TIZER FROM LONDON

La série d’interviews de graffeurs réalisée lors du Meeting Of Styles France 2012 s’achève par celle-ci… Un échange intéressant avec Tizer !

Présentation…

Mon nom est Tizer One, je fais partie du ID crew de Londres, et j’ai commencé le Graffiti en 1988.

Peux-tu définir ton style ?

Détraqué ! (rires)
Je fais des personnages et des lettres. J’adore faire des lettrages imposants et improviser autour. J’essaye toujours de peindre des choses différentes mais on peut toujours reconnaitre mon style.

Pourquoi le Graffiti ?

A vrai dire, ce qui nous a poussé, mon frère et moi, à nous lancer dans le Graffiti, c’était l’idée de pouvoir faire partie de la culture Hip Hop ! J’étais dyslexique donc j’ai toujours eu du mal à retenir les rimes (rires) et le beatboxing n’était pas à la mode donc je me suis tourné vers le Graffiti. C’était fait pour moi ! Et ça nous rendait cools…

La musique est un art très puissant qui peut toucher beaucoup de monde. Quant au Graffiti, comme c’est un art visuel, ses messages sont peut-être plus directs, plus forts… Le Graffiti peut aller à l’encontre du gouvernement, si par exemple quelqu’un écrit un slogan contre les institutions. Mais d’un autre côté, comme c’est visuel, ils peuvent s’en débarrasser.  Quand ils disent « on nettoie les graffitis », ça leur donne l’impression de faire quelque chose, mais quand il faut s’occuper des pauvres ou des fous c’est autre chose…

Le Graffiti est de plus en plus accepté par les institutions, qu’est-ce que tu en penses ?

Oui et non. Je pense que maintenant le public peut voir davantage de Graffitis, surtout grâce à internet et c’est une bonne chose. Mais d’un autre côté, je regrette les intérêts financiers qu’il y a derrière… Certains artistes font beaucoup d’argent avec leur art alors qu’avant personne ne s’y intéressait. Maintenant des gens sont prêts à payer pour avoir des Graffitis et comme tout le reste, le Graff devient un produit à vendre.

C’est bien que les institutions prennent les choses sérieusement mais il faut aussi rappeler que le gouvernement continue à mettre des jeunes en prison pour des « crimes » non violents, des Graffitis. C’est complètement fou !  Donc, tu vois, ça dépend… A Londres, il y a quand même des jeunes incarcérés dans des prisons de haute sécurité pour avoir fait du Graffiti !  Donc le gouvernement doit encore beaucoup évoluer à ce sujet. Mais c’est vrai que le grand public, jeunes et vieux, apprécie davantage le Graff.

Est-ce que tu vis de ton travail ?

Oui, c’est mon job. Il y a 10 ans, j’ai été viré d’un emploi. Suite à cela, j’ai décidé de ne plus faire de job pourri donc j’ai voulu être payé en tant qu’artiste Graffiti. Cela n’a pas toujours été facile. J’ai dû m’adapter aux demandes des clients, ils te demandent « tu peux peindre une jungle ? ». Toi, tu penses que tu ne peux pas mais tu dis oui ! Alors tu deviens autodidacte, tu apprends à faire des choses que tu ne pensais pas pouvoir faire, tu apprends de nouvelles techniques. C’est bien de travailler pour soi et pas pour quelqu’un d’autre. Je suis conscient que j’ai beaucoup de chances de vivre de mon travail, de faire ce que j’aime.

Qu’est-ce qui t’a amené à la culture hip hop ?

J’ai commencé à écouter des sons Hip Hop en 1984 et je me suis mis à acheter des vinyles en 86. Avant j’écoutais du Punk, du Ska et du Reggae mais à cette période, le Punk anglais a commencé à mourir. La culture Hip Hop a repris ce rôle revendicateur, un peu politique. Et j’ai vraiment accroché ! Je pense que c’est important de rester dans cette dynamique, même si parfois c’est bien de pouvoir écouter de la musique festive.

Est-ce que tu y vois d’autres liens ?

Bien sûr, les toasters dans les années 1940 faisaient des battles et se moquaient les uns des autres. La musique jamaïcaine utilisée par ces mecs est devenue du Ska, il y a des influences des Caraïbes, de partout… Et je pense qu’il y a un lien et un équilibre entre le Punk et le Rap. Puis si l’on prend le Punk ou le Ska à la fin des années 70 et le Hip Hop britannique à son origine, on peut vraiment faire le parallèle. On retrouve les mêmes influences et la même force underground.

Et qu’est-ce que la culture Hip Hop t’a apporté dans la vie ?

J’ai appris à m’amuser et à danser ! (rires)
J’ai adoré la musique parce qu’elle signifiait quelque chose pour moi. A la fin des années 80, les gens étaient « pro-black » donc j’ai appris beaucoup de choses sur l’histoire des noirs américains, sur la façon dont les gens pensent dans d’autres pays. Par le Graffiti, j’ai aussi appris l’histoire de l’art : la typographie, la perspective, le dessin de personnages, le placement des couleurs… A mon tour, j’essaie d’apprendre aux jeunes le Graffiti et l’histoire de l’art.

Quelques mots sur le Meeting Of Styles ?

Je voudrais remercier les organisateurs du MOS France, ils se sont bien occupés de moi, c’était cool… Le MOS, c’était incroyable ! Il y a une vraie qualité artistique. Même les jeunes du coin ont fait de très belles pièces. Il y a une très bonne ambiance, de la bonne musique, de très bons B-boys et B-girls et des Graffitis hallucinants. C’est génial de rencontrer des gens de tous horizons, de différents pays. La communauté des graffeurs est assez petite, même dans les grandes villes donc c’est bien de se retrouver en personnes pour partager des expériences similaires. On peut parler, se connaître et se soutenir. Surtout pour les gens qui voyagent beaucoup, on se sent plus fort.

Quels sont tes prochains projets ?

Je vais en Hongrie dans quelques semaines, pour un petit festival. Je vais peindre là bas, ça va être cool. Je dois aussi aller à Amsterdam, je n’y suis jamais allé donc j’ai hâte !

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Interview : NJ
Traduction : Charlotte Prieu
http://whatchasees.blogspot.fr
+ Romain Vivant