Conversation avec Faada Freddy
Faada Freddy était en concert au Rocher de Palmer (33), le 27 janvier dernier. Nous avons échangé avec lui, juste après le show. Retour sur cette rencontre…
TO THE ARTS, TO THE WORLD !
Faada Freddy était en concert au Rocher de Palmer (33), le 27 janvier dernier. Nous avons échangé avec lui, juste après le show. Retour sur cette rencontre…
« J’espère que ma musique incite les gens à penser, à avoir l’esprit critique,
à engager le débat sur le fonctionnement du monde…»
Akua Naru
La série d’interviews de graffeurs réalisée lors du Meeting Of Styles France 2012 s’achève par celle-ci… Un échange intéressant avec Tizer !
Présentation…
Mon nom est Tizer One, je fais partie du ID crew de Londres, et j’ai commencé le Graffiti en 1988.
Peux-tu définir ton style ?
Détraqué ! (rires)
Je fais des personnages et des lettres. J’adore faire des lettrages imposants et improviser autour. J’essaye toujours de peindre des choses différentes mais on peut toujours reconnaitre mon style.
Pourquoi le Graffiti ?
A vrai dire, ce qui nous a poussé, mon frère et moi, à nous lancer dans le Graffiti, c’était l’idée de pouvoir faire partie de la culture Hip Hop ! J’étais dyslexique donc j’ai toujours eu du mal à retenir les rimes (rires) et le beatboxing n’était pas à la mode donc je me suis tourné vers le Graffiti. C’était fait pour moi ! Et ça nous rendait cools…
La musique est un art très puissant qui peut toucher beaucoup de monde. Quant au Graffiti, comme c’est un art visuel, ses messages sont peut-être plus directs, plus forts… Le Graffiti peut aller à l’encontre du gouvernement, si par exemple quelqu’un écrit un slogan contre les institutions. Mais d’un autre côté, comme c’est visuel, ils peuvent s’en débarrasser. Quand ils disent « on nettoie les graffitis », ça leur donne l’impression de faire quelque chose, mais quand il faut s’occuper des pauvres ou des fous c’est autre chose…
Le Graffiti est de plus en plus accepté par les institutions, qu’est-ce que tu en penses ?
Oui et non. Je pense que maintenant le public peut voir davantage de Graffitis, surtout grâce à internet et c’est une bonne chose. Mais d’un autre côté, je regrette les intérêts financiers qu’il y a derrière… Certains artistes font beaucoup d’argent avec leur art alors qu’avant personne ne s’y intéressait. Maintenant des gens sont prêts à payer pour avoir des Graffitis et comme tout le reste, le Graff devient un produit à vendre.
C’est bien que les institutions prennent les choses sérieusement mais il faut aussi rappeler que le gouvernement continue à mettre des jeunes en prison pour des « crimes » non violents, des Graffitis. C’est complètement fou ! Donc, tu vois, ça dépend… A Londres, il y a quand même des jeunes incarcérés dans des prisons de haute sécurité pour avoir fait du Graffiti ! Donc le gouvernement doit encore beaucoup évoluer à ce sujet. Mais c’est vrai que le grand public, jeunes et vieux, apprécie davantage le Graff.
Est-ce que tu vis de ton travail ?
Oui, c’est mon job. Il y a 10 ans, j’ai été viré d’un emploi. Suite à cela, j’ai décidé de ne plus faire de job pourri donc j’ai voulu être payé en tant qu’artiste Graffiti. Cela n’a pas toujours été facile. J’ai dû m’adapter aux demandes des clients, ils te demandent « tu peux peindre une jungle ? ». Toi, tu penses que tu ne peux pas mais tu dis oui ! Alors tu deviens autodidacte, tu apprends à faire des choses que tu ne pensais pas pouvoir faire, tu apprends de nouvelles techniques. C’est bien de travailler pour soi et pas pour quelqu’un d’autre. Je suis conscient que j’ai beaucoup de chances de vivre de mon travail, de faire ce que j’aime.
Qu’est-ce qui t’a amené à la culture hip hop ?
J’ai commencé à écouter des sons Hip Hop en 1984 et je me suis mis à acheter des vinyles en 86. Avant j’écoutais du Punk, du Ska et du Reggae mais à cette période, le Punk anglais a commencé à mourir. La culture Hip Hop a repris ce rôle revendicateur, un peu politique. Et j’ai vraiment accroché ! Je pense que c’est important de rester dans cette dynamique, même si parfois c’est bien de pouvoir écouter de la musique festive.
Est-ce que tu y vois d’autres liens ?
Bien sûr, les toasters dans les années 1940 faisaient des battles et se moquaient les uns des autres. La musique jamaïcaine utilisée par ces mecs est devenue du Ska, il y a des influences des Caraïbes, de partout… Et je pense qu’il y a un lien et un équilibre entre le Punk et le Rap. Puis si l’on prend le Punk ou le Ska à la fin des années 70 et le Hip Hop britannique à son origine, on peut vraiment faire le parallèle. On retrouve les mêmes influences et la même force underground.
Et qu’est-ce que la culture Hip Hop t’a apporté dans la vie ?
J’ai appris à m’amuser et à danser ! (rires)
J’ai adoré la musique parce qu’elle signifiait quelque chose pour moi. A la fin des années 80, les gens étaient « pro-black » donc j’ai appris beaucoup de choses sur l’histoire des noirs américains, sur la façon dont les gens pensent dans d’autres pays. Par le Graffiti, j’ai aussi appris l’histoire de l’art : la typographie, la perspective, le dessin de personnages, le placement des couleurs… A mon tour, j’essaie d’apprendre aux jeunes le Graffiti et l’histoire de l’art.
Quelques mots sur le Meeting Of Styles ?
Je voudrais remercier les organisateurs du MOS France, ils se sont bien occupés de moi, c’était cool… Le MOS, c’était incroyable ! Il y a une vraie qualité artistique. Même les jeunes du coin ont fait de très belles pièces. Il y a une très bonne ambiance, de la bonne musique, de très bons B-boys et B-girls et des Graffitis hallucinants. C’est génial de rencontrer des gens de tous horizons, de différents pays. La communauté des graffeurs est assez petite, même dans les grandes villes donc c’est bien de se retrouver en personnes pour partager des expériences similaires. On peut parler, se connaître et se soutenir. Surtout pour les gens qui voyagent beaucoup, on se sent plus fort.
Quels sont tes prochains projets ?
Je vais en Hongrie dans quelques semaines, pour un petit festival. Je vais peindre là bas, ça va être cool. Je dois aussi aller à Amsterdam, je n’y suis jamais allé donc j’ai hâte !
>> Retrouvez Tizer sur Flickr
Interview : NJ
Traduction : Charlotte Prieu
http://whatchasees.blogspot.fr
+ Romain Vivant
Dans le rap, ce qui prime avant tout, ce sont les rimes, le flow et les instrumentales…trois ingrédients indispensables pour faire un bon morceau ! La musique y est déterminante, d’où l’importance de l’art du beatmaking. Pourtant la majorité du public n’a pas connaissance du nom de ceux qui se cachent derrière les productions musicales, de ceux qui sont à l’origine du rythme des chansons. Intéressons nous de plus près à cette pratique, en découvrant l’univers de Pandemik Muzik…
Un duo de beatmakers
Après quelques années en solo, Bachir et J-Lock ont commencé à travailler ensemble en 2009, par l’intermédiaire de Black Kent pour son album « Yes I Kent ».
Entre ces deux producteurs, le feeling est passé tout de suite : « on a vraiment senti une alchimie se créer » affirme Bachir. Lui est plus dans la recherche, très influencé par l’école new yorkaise, il ramène les samples, il trouve des breakbeats, des nouvelles rythmiques et J-Lock est davantage dans la composition de la musique. D’où la volonté d’unir leurs forces pour créer le duo Pandemik Muzik.
Ce duo complémentaire a réalisé des productions pour des rappeurs tels que Black Kent, le collectif 99 Projet, Sam’s, Keurspi et Soza de Bordeaux, S-Pi (94), Esta Capitan (93), Négrociateurs (Suisse) et Nix (Sénégal). J-Lock et Bachir restent ouverts à d’autres styles et ont déjà produit deux morceaux pour un chanteur.
Dans l’ombre des rappeurs
Dans le beatmaking, les producteurs restent peu mis en avant. Ils ne sont pas toujours crédités sur les mixtapes et leurs noms apparaissent rarement sur internet. Apparemment, en France, ce n’est pas dans la logique de préciser le nom de celui qui produit un morceau. Aux Etats-Unis, c’est presque l’inverse, le producteur est parfois plus connu que les rappeurs. Bachir l’explique : « Ici, ce n’est pas forcément dans la culture mais ça va arriver, ça commence à se faire. Je pense à un producteur qui fait parler de lui… Richie Beats ! Il a fait la majorité des productions sur l’album Soyons Fous d’Ol’Kainry et Jango Jack.» Puis il ajoute : « Il y a de sacré beatmakers en France comme les Soulchildren par exemple, mais eux sont signés, donc ils sont mis en avant. Sinon, en général, il y a peu de visibilité sur le nom des beatmakers ».
Conscients de cette difficulté, l’objectif des membres de Pandemik Muzik est de faire entendre leur musique et de la faire sortir du studio pour pouvoir se faire un nom dans le milieu du rap. Aujourd’hui, ils ne vivent pas de leurs productions. L’essentiel pour eux, c’est la reconnaissance d’être crédité et d’avoir des placements. « Avec J-Lock lorsque l’on est crédité Pandemik Muzik, c’est déjà une forme de paiement ».
Une passion pour la musique
Pandemik Muzik, c’est un travail d’équipe avec une véritable alchimie, où l’inspiration y est souvent instinctive (à partir d’un sample, d’une mélodie…). Bachir donne quelques détails : « J-Lock a fait du solfège, il a une oreille musicale incroyable ! Il est super avancé, super talentueux, il maîtrise le clavier, c’est un virtuose ! Il me motive pour travailler davantage et m’améliorer en tant que producteur. »
Ils apprécient la musique à sa juste valeur, du West Coast au Dirty : « On ne peut pas dire : ça c’est de la bonne musique et ça non… Il y a tellement d’éléments à prendre en compte… Le contexte social est important aussi. Le rap de New York n’est pas le même que le rap de Memphis, de L.A et de Chicago… Donc nous, on peut passer de MC’s en MC’s et toujours autant kiffer car cela reste Hip Hop. »
Un duo authentique
Rester indépendant ou signé en major, pour Pandemik Muzik, ce n’est pas la question. Le principal est de conserver leur indépendance dans le processus créatif. Bachir et J-Lock attachent beaucoup d’importance à la sincérité dans la musique. « Nous sommes plus influencés par l’attitude, l’état d’esprit et la manière de communiquer que la musique en elle-même ». Ce qui se retranscrit naturellement dans leurs productions, qui respirent l’authenticité, tout simplement.
Bachir et J-Lock tiennent à garder leur ligne directrice : faire de la bonne musique, collaborer avec de bons rappeurs, pour asseoir le nom Pandemik Musik et faire connaître leur touche particulière, toujours dans un bon esprit.
Pandemik Muzik, en plus de la passion et du talent, c’est de l’ambition et de la détermination. Leur souhait est de collaborer avec les rappeurs les plus renommés, aussi bien aux Etats-Unis (NAS, JAY-Z, JADAKISS, EMINEM…) qu’en France (ILL des X-MEN, YOUSSOUPHA, AKHENATON, OXMO PUCCINO, LINO…). Donc souhaitons leur une bonne réussite !
>> Pour plus d’infos, retrouvez Pandemik Muzik sur Soundcloud, Facebook et Twitter
« On a l’impression que rien ne peut faire patrimoine » Marc Perrone, extrait du documentaire 93 la belle rebelle de Jean-Pierre Thorn .
93 la belle rebelle est un film documentaire de Jean-Pierre Thorn sorti dans les salles en janvier 2011. Voici la bande annonce.
Depuis la sortie du dernier documentaire de Jean-Pierre Thorn, de nombreux évènements Hip Hop l’intègrent à leur programmation en proposant des projections publiques. Le milieu Hip Hop n’est pas le seul à faire connaître ce film. Plusieurs cinémas en France l’ont diffusé, l’ouvrant ainsi à un plus large public.
Avant de traiter d’un genre musical en particulier, le film évoque la jeunesse française et les moyens artistiques qu’elle a utilisés pour se faire entendre. Le réalisateur, sensible au monde ouvrier et à la culture Hip Hop, a choisi de faire son enquête en Seine-Saint-Denis.
Créé seulement en 1964, ce département a connu une évolution à la fois rapide et condensée. Tourné vers le secteur industriel, le nombre d’usines a augmenté et le travail aussi, attirant ainsi des milliers d’ouvriers. La jeunesse, non contente du sort qu’on lui réservait à la chaîne, aspirait à une vie loin du labeur que connaissaient leurs parents. Le Rock leur semblait un moyen de s’évader du quotidien, par la danse notamment. Si aujourd’hui le mouvement Rock est admis par tous comme un genre musical, il n’en était pas moins, à l’époque, qualifié de « musique de voyous », notamment par les autorités qui disaient s’inquiéter de l’avenir du pays. On parlera alors facilement de contre-culture. Mais user de ce terme revient à considérer qu’il n’existe qu’UNE culture, que les liens entres les personnes ne peuvent se construire qu’au sein d’une structure réduite et qu’il n’y a pas d’entente possible au-delà des différences.
Le contraire nous est prouvé par ce documentaire qui, de façon logique et fluide, nous retrace 40 ans de musique. Des musiques qui ont su puiser dans le passé, évoluer avec leur environnement présent en vue d’un contexte futur. C’est ainsi qu’à la fin des années 70, le Punk a fait surface. Le Rock s’est appauvri dans le sens et s’est commercialisé à outrance. La jeunesse s’est politisée et a rejeté la façon dont le Rock s’est établi. Une scène alternative s’est alors ouverte. Plus proche du texte et du message, le Punk a poussé la musique à redescendre dans la rue en investissant notamment les squats. Anciennes usines désaffectées, ces lieux deviendront pour certains ce qu’on appelle aujourd’hui les friches industrielles ou friches culturelles, occupées par des collectifs artistiques désireux d’innovation culturelle et de reconstruction du lien social. Les friches culturelles l’ont bien compris. Il ne s’agit pas de détruire pour reconstruire, mais d’exploiter ce qui existe, d’en comprendre l’essence pour réinventer à l’infini.
Aujourd’hui en Seine-Saint-Denis, on parle bien plus de scène Hip Hop que de scène Rock ou Punk. On oublie bien volontiers son passé industriel au profit de bureaux vitrés. On envisage de faire tomber les masses d’immeubles collectifs pour de plus petits îlots d’habitations. Alors effectivement, rien ne semble faire patrimoine. Exceptée peut-être la musique ! Du fort attachement à la danse emmené par le Rock des années 50, hérité lui-même d’autres genres comme le Charleston et le Swing, le Hip hop a conservé cette énergie du mouvement et ce sens de la fête.
Il reste la rue. Le Punk y est redescendu, le Hip Hop l’a totalement investie. Dans un souci de facilité de rassemblement – ici et maintenant – et faute de lieux de pratique, les disciplines du Hip Hop (le Graffiti et le Breakdance en première ligne) se sont exercées dans la rue. C’est dans cet esprit du « vivre ensemble » que les choses ont pu avancer. Depuis plusieurs années, le Hip Hop déborde de la rue et se structure en gardant toujours en tête l’idée de réseau. Les lieux de pratique et de diffusion se sont multipliés, laissant ainsi la possibilité aux artistes de se professionnaliser et aux publics de découvrir plus infiniment les valeurs qui constituent la culture Hip Hop. Aujourd’hui, ce mouvement bénéficie d’une reconnaissance institutionnelle, ce qui lui confère une visibilité croissante dans le paysage culturel français.
Camille MICHEL
>> Plus d’infos sur : http://www.adr-productions.fr/documentaires/9-3-la-belle-rebelle,285
>> Plus loin :
Entretien avec Jean-Pierre Thorn sur Radio Grenouille
The B-Side, qui oeuvre depuis 10 ans à la transmission de la culture Hip hop, a invité Jean Pierre Thorn à Marseille pour 10 jours de projections et de rencontre du public.
http://www.radiogrenouille.com/programmes/grille/jean-pierre-torn-se-revolter-filmer/
Swen 93MC présente le festival européen du graffiti « Le Jour J »
http://www.dailymotion.com/video/xcyg24_festival-europeen-du-graffiti-le-jo_creation
Rapport du ministère de la Culture et de la Communication « La transfiguration du Hip hop : élaboration artistique d’une expression populaire »
http://www.culture.gouv.fr/mpe/recherche/pdf/R_424.pdf
Nouveau site des archives départementales de Seine Saint-Denis
http://archives.seine-saint-denis.fr
« Les Racines du Rock » de Florent Mazzoleni