La photographie… Un langage universel qui a le pouvoir d’immortaliser un instant à jamais… Un moyen d’expression qui a la capacité de faire passer des émotions… C’est à travers l’œil de Valentin Campagnie que nous plongeons dans l’univers de la photographie.
Vous connaissiez déjà Hassan le Fronçais et sa clique de Perpizoo. Hip Open vous avait aussi présenté Fleyo et Keurspi, actifs dans le rap bordelais. Mais on ne vous avait pas encore parlé de Ron Brice, ce parisien venu compléter l’affiche du Hip Open Event #1, jeudi 5 avril. Une belle occasion de rencontrer ce MC atypique, accompagné de Stresh, son deejay. 17h30, les balances s’achèvent… Micro à peine posé, platines encore chaudes, le duo file au débat du Hip Open Event #1 sur le rap et les médias, puis revient vers nous pour une interview décontractée, à l’écart d’une salle commençant à s’animer.
Pour commencer Ron, revenons sur ton parcours et ta rencontre avec DJ Stresh… Comment ça s’est passé ?
Ron Brice : On a débuté chacun de notre côté, il y a une quinzaine d’années. J’ai commencé le rap en 1996, avec mes grands frères. J’ai tourné dans des collectifs et fais pas mal de concerts. Ensuite, j’ai côtoyé Poison qui était proche de Ménage à 3, à qui était affilié Youssoupha. On fréquentait les mêmes studios et Stresh bossait aussi avec Youssoupha sur ses tournées. On a fait quelques dates ensemble. Et nous avions les mêmes influences, d’où la naissance de notre collaboration en 2006. A l’époque, Stresh bossait dans un magasin de vinyles sur Paris, et moi je vendais des disques dans la rue. Il me faisait écouter ses prods, et j’ai alors enregistré quelques trucs avec lui. Et dès 2007, on s’est mis à travailler sur l’album Reality Rap. Il a produit le morceau Bête noire et d’autres titres sur la mixtape Reality Tape. C’est mon associé sur la tournée et au sein de 16 Barz !
16 Barz, c’est une asso ou un label ?
Ron Brice : C’est un label sous forme d’association. Nous sommes deux pour le moment. Je rappe et Stresh est deejay, producteur, backeur…(rires) Enfin il a plusieurs casquettes. On souhaite aussi travailler avec d’autres personnes de notre entourage, pour agrandir la famille et être plus vif sur le circuit. Pour le moment, on se concentre sur la sortie de l’album qui devrait arriver fin mai, début juin. Les morceaux sont faits mais on a encore deux clips à balancer avant. En attendant, la Reality Tape, mixtape de mes morceaux de 2005 à 2010 vient de sortir.
D’où l’abondance de titres sur cette tape ?
Ron Brice : En fait en 2005, je bossais plus avec les Soul Children, qui travaillaient aussi avec Flynt, Youssoupha, qu’avec Stresh. On avait fait un album qui n’est jamais sorti. Donc dans cette mixtape, mixée par Stresh, j’ai récupéré certains morceaux réalisés avec eux qui n’étaient pas connus… Parce que concrètement je me suis fait connaître en diffusant quelques morceaux sur le net. Nous, nous sommes de la génération où l’on rappait bien avant Internet, Myspace ou Facebook… Mais on s’est fait connaître par des clips qui ont tourné sur le web.
Tes clips justement, sont tous réalisés par Tcho/Antidote. Peux-tu nous parler de cette collaboration ?
Ron Brice : C’est une longue histoire faîte de connaissances en commun liées au graffiti, à la photographie, à la réalisation de clips… Stresh bossait avec Géraldo, qui lui, côtoyait Tcho et aidait un de mes potes à vendre des disques dans la rue. On se connaissait tous. Et un jour un mec a fait écouter un de mes sons à Tcho…
DJ Stresh : Au niveau du positionnement musical, cela correspond hyper bien à ce qu’il met en image. Sa vision de la musique s’adapte bien. Ce n’est pas calculé, leurs univers respectifs collent tellement bien que lorsque l’on ressert l’étau, c’est ce qu’il y a de plus cohérent.
Ron Brice : Après on clippe davantage parce qu’on a plus de visibilité. Avant, où pouvait-on les mettre nos clips ? Maintenant, la confrontation au public est directe et la rotation se fait d’elle-même, il n’est plus nécessaire de passer à la télé. Mais on mise plus sur la musique qu’on diffuse. On se dit qu’on a une particularité dans notre façon de faire, nos instrus, nos références… Des références très New Yorkaises, très outre atlantique dans la manière de faire la musique, d’utiliser les samples, dans les placements, ma manière de rapper… Après cela ne fait pas tout, il faut aussi amener l’image qui va avec. Mais ça fait plaisir de voir que beaucoup s’identifient encore à ça, et accrochent toujours à ce style de musique.
Pourquoi ces influences New Yorkaises justement ?
Ron Brice : J’ai toujours écouté du rap français et du rap américain. Mais étant jeune, tu comprends plus le rap français. Le rap américain, c’est ce qui te fait bouger mais tu ne comprends pas vraiment les paroles, ni là où ils veulent en venir. Et quand à l’époque sur Paris il y a eu les 12’inch Allstar, des genres de concours, moi j’étais très poussé dans l’écriture, mais au niveau de la forme ce n’était pas ça. Là, j’ai réalisé que d’autres comme Wayman avaient déjà assimilé de faire du rap américain en français, avec des flows qui ont de la musicalité… En France, on était et on est toujours aujourd’hui centré sur les paroles. On donne plus d’importance au texte, à la bonne écriture, qu’à la musique en elle-même et à la manière de rapper. Moi j’ai vraiment pris mes influences sur l’école New Yorkaise donc j’ai trouvé important de réunir les deux, le fond et la forme.
Tu parles donc d’un manque français au niveau du flow ?
Ron Brice : Les gens de l’ancienne école ont vraiment assimilé ce côté écriture mais délaissé le flow. La nouvelle vague elle, a percuté et est dans le truc spectaculaire, en donnant beaucoup d’importance au flow. Mais au niveau du charisme, du contenu, il y a un manque. Il faut avoir vraiment vu les deux pour donner de la consistance au truc. C’est de la culture après, une école. J’ai kické des trucs très différents, de Big L à Oxmo. Au niveau des paroles, je sais donc être profond. Mais je sais aussi être davantage sur le flow, parlant de choses plus légères et plus marrantes. Il faut vraiment allier les deux. J’essaye de bosser pour réunir cette culture française du texte, être touchant, et le dynamisme du flow.
DJ Stresh : C’est propre à notre génération. On fait parti de ceux qui ont grandi avec le rap américain. Et le rap français commençait vraiment à avoir ses têtes et ses acteurs principaux qui ont marqué leurs époques. Nous on écoutait Time Bomb, La Cliqua, qui eux à l’époque étaient déjà inspirés des flows américains, et qui poussaient l’écriture dans un autre sens en faisant l’alliage des deux. Comme on a grandit avec ça, ça nous a forgé notre intérêt. C’est ce qui fait que des mecs comme Hassan, Ron Brice ou Nemir et plein de MC’s de cette génération ont pris cette direction là. Pas seulement des textes, mais une jolie musique à écouter. Parce que si tu veux du texte pour du texte, tu lis un livre, t’écoutes pas un disque !
Ron Brice : Sachant que les sujets du rap maintenant sont connus. Tout est fait. Alors si rien n’est amené au niveau de la forme et donc du flow, de la manière d’amener le texte, cela ne sert à rien.
Votre collaboration semble couler de source au final ?
Ron Brice : On écoute tellement la même chose, les mêmes styles de sons… La plupart du temps, il m’envoie une prod et c’est la bonne. Alors que certains beatmakers m’en envoient 7 ou 8. Avec lui c’est souvent direct, on est bien en phase.
DJ Stresh : J’ai travaillé avec Youssoupha, avec Ali, mais c’est vraiment le MC avec lequel j’ai le plus de facilités. Je sais ce qu’il va faire. Je n’ai même pas besoin d’être là quand il va enregistrer, je sais ce qu’il va faire. Cela ne se passe pas toujours comme ça. Il y a des gens avec qui on a besoin de savoir dans quel univers ils évoluent, ce qu’ils aiment vraiment, il y a plus d’allers retours. Là ça s’enchaîne facilement, je lui passe les sons au fur et à mesure et ça se monte doucement.
Un duo de choc pour une performance détonante. Ron Brice, c’est du flow et des textes remarquables et une touche singulière à laquelle on adhère ! Et si le Hip Open Event #1 nous a régalé, c’est aussi parce que ces deux là ont assuré !
>> Pour plus d’infos, retrouvez Ron Brice et DJ Stresh sur Youtube, Facebook et Twitter.
Dans le rap, ce qui prime avant tout, ce sont les rimes, le flow et les instrumentales…trois ingrédients indispensables pour faire un bon morceau ! La musique y est déterminante, d’où l’importance de l’art du beatmaking. Pourtant la majorité du public n’a pas connaissance du nom de ceux qui se cachent derrière les productions musicales, de ceux qui sont à l’origine du rythme des chansons. Intéressons nous de plus près à cette pratique, en découvrant l’univers de Pandemik Muzik…
Un duo de beatmakers
Après quelques années en solo, Bachir et J-Lock ont commencé à travailler ensemble en 2009, par l’intermédiaire de Black Kent pour son album « Yes I Kent ».
Entre ces deux producteurs, le feeling est passé tout de suite : « on a vraiment senti une alchimie se créer » affirme Bachir. Lui est plus dans la recherche, très influencé par l’école new yorkaise, il ramène les samples, il trouve des breakbeats, des nouvelles rythmiques et J-Lock est davantage dans la composition de la musique. D’où la volonté d’unir leurs forces pour créer le duo Pandemik Muzik.
Ce duo complémentaire a réalisé des productions pour des rappeurs tels que Black Kent, le collectif 99 Projet, Sam’s, Keurspi et Soza de Bordeaux, S-Pi (94), Esta Capitan (93), Négrociateurs (Suisse) et Nix (Sénégal). J-Lock et Bachir restent ouverts à d’autres styles et ont déjà produit deux morceaux pour un chanteur.
Dans l’ombre des rappeurs
Dans le beatmaking, les producteurs restent peu mis en avant. Ils ne sont pas toujours crédités sur les mixtapes et leurs noms apparaissent rarement sur internet. Apparemment, en France, ce n’est pas dans la logique de préciser le nom de celui qui produit un morceau. Aux Etats-Unis, c’est presque l’inverse, le producteur est parfois plus connu que les rappeurs. Bachir l’explique : « Ici, ce n’est pas forcément dans la culture mais ça va arriver, ça commence à se faire. Je pense à un producteur qui fait parler de lui… Richie Beats ! Il a fait la majorité des productions sur l’album Soyons Fous d’Ol’Kainry et Jango Jack.» Puis il ajoute : « Il y a de sacré beatmakers en France comme les Soulchildren par exemple, mais eux sont signés, donc ils sont mis en avant. Sinon, en général, il y a peu de visibilité sur le nom des beatmakers ».
Conscients de cette difficulté, l’objectif des membres de Pandemik Muzik est de faire entendre leur musique et de la faire sortir du studio pour pouvoir se faire un nom dans le milieu du rap. Aujourd’hui, ils ne vivent pas de leurs productions. L’essentiel pour eux, c’est la reconnaissance d’être crédité et d’avoir des placements. « Avec J-Lock lorsque l’on est crédité Pandemik Muzik, c’est déjà une forme de paiement ».
Une passion pour la musique
Pandemik Muzik, c’est un travail d’équipe avec une véritable alchimie, où l’inspiration y est souvent instinctive (à partir d’un sample, d’une mélodie…). Bachir donne quelques détails : « J-Lock a fait du solfège, il a une oreille musicale incroyable ! Il est super avancé, super talentueux, il maîtrise le clavier, c’est un virtuose ! Il me motive pour travailler davantage et m’améliorer en tant que producteur. »
Ils apprécient la musique à sa juste valeur, du West Coast au Dirty : « On ne peut pas dire : ça c’est de la bonne musique et ça non… Il y a tellement d’éléments à prendre en compte… Le contexte social est important aussi. Le rap de New York n’est pas le même que le rap de Memphis, de L.A et de Chicago… Donc nous, on peut passer de MC’s en MC’s et toujours autant kiffer car cela reste Hip Hop. »
Un duo authentique
Rester indépendant ou signé en major, pour Pandemik Muzik, ce n’est pas la question. Le principal est de conserver leur indépendance dans le processus créatif. Bachir et J-Lock attachent beaucoup d’importance à la sincérité dans la musique. « Nous sommes plus influencés par l’attitude, l’état d’esprit et la manière de communiquer que la musique en elle-même ». Ce qui se retranscrit naturellement dans leurs productions, qui respirent l’authenticité, tout simplement.
Bachir et J-Lock tiennent à garder leur ligne directrice : faire de la bonne musique, collaborer avec de bons rappeurs, pour asseoir le nom Pandemik Musik et faire connaître leur touche particulière, toujours dans un bon esprit.
Pandemik Muzik, en plus de la passion et du talent, c’est de l’ambition et de la détermination. Leur souhait est de collaborer avec les rappeurs les plus renommés, aussi bien aux Etats-Unis (NAS, JAY-Z, JADAKISS, EMINEM…) qu’en France (ILL des X-MEN, YOUSSOUPHA, AKHENATON, OXMO PUCCINO, LINO…). Donc souhaitons leur une bonne réussite !
Inutile de préciser que le titre est ironique et qu’il prend sens avec la réflexion soulevée dans les lignes qui suivent…
Revenons sur le 15 septembre dernier… Le procès qui a opposé le chroniqueur et éditorialiste du Figaro, Eric Zemmour au rappeur Youssoupha. Plainte déposée en 2009 pour « menace de mort et injures publiques » à l’encontre du MC, au sujet des paroles du morceau « A force de le dire ».
Les paroles en question :
« A force de juger nos gueules les gens le savent / Qu’à la télé souvent les chroniqueurs diabolisent les banlieusards / Chaque fois que ça pète on dit qu’c’est nous / J’mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour. »
Youssoupha, artiste incontournable du Rap français
Ses textes censés et percutants font de lui un artiste très apprécié de la scène Rap en France. Qualifié dans le milieu du Hip Hop comme « l’un des meilleurs rappeurs de l’hexagone », il se distingue par sa plume aiguisée de punchlines conscientes.
Youssoupha, un nom qui résonne dans les médias nationaux… Non pas pour la qualité de son travail artistique, pour son talent, mais pour être désigné comme « le rappeur qui veut tuer Eric Zemmour ».
Ce n’est pas le premier à passer devant les tribunaux et pointé du doigt par les médias pour une chanson incriminée. Au contraire la liste est longue : NTM, Sniper, Monsieur R, Hamé du groupe La Rumeur, ainsi que la polémique autour de certains rappeurs comme Orelsan, Saîdou Zep, etc.
Son titre « Menace de mort » nous le rappelle…
Flashback sur la censure
Au travers des siècles, les artistes ont été censurés. De l’Antiquité grecque, avec l’exemple de Homère, à la Renaissance contre de nombreux peintres : Michel-Ange, Botticelli, Manet, Goya, Delacroix, Modigliani…
>> Goya
Puis une autre forme de censure plus violente s’est développée : l’autodafé. De l’Inquisition au régime nazi et franquiste, une multitude de livres ont été brûlés, notamment de Freud, Marx, Rousseau, Voltaire…
Bien avant les rappeurs, les écrivains, les poètes ont vécu de forts préjudices : Baudelaire, condamné pour la publication des Fleurs du Mal pour « outrage à la morale publique et religieuse », sous le Second Empire, dirigé par Napoléon III. A cette même époque, il en est de même pour Victor Hugo, censuré et exilé.
Les artistes les plus contestés de leur époque bénéficient souvent d’une forte notoriété et reconnaissance pour leur art, plus tard, trop tard… Des génies trop avancés par rapport à leur temps ? Quoi qu’il en soit, des provocations condamnées. Et pourtant n’est-ce pas le rôle de l’art de s’exprimer, de critiquer, de déranger, de pousser à la réflexion, de faire réagir et de prendre position ? Rare de voir la créativité se révéler dans le conformisme…
Et la liberté dans tout ça ?
Les libertés de création et d’expression sont fondamentales. Pour tout censeur, il ne faut pas confondre la fiction de l’œuvre et la réalité qui serait celle de l’artiste. Si certains rappeurs se font passer pour des gangsters dans leurs textes, ce n’est pas à prendre au pied de la lettre ! Il s’agit de la mise en scène d’un personnage, comme il est d’usage de le voir apparaître au cinéma.
Pour comprendre davantage l’univers artistique du Rap, il est essentiel de se référer à son Histoire. Le Rap est issu de la culture Afro-américaine. Les violences qui régnaient dans les ghettos sont, en partie, à l’origine de cette forme d’expression revendicatrice et contestataire. D’où l’inspiration des artistes actuels qui y fait toujours écho. Cependant, le travail de la distance poétique et de la métaphore n’est pas considéré à sa juste valeur, tout comme l’ironie reste peu comprise. Beaucoup trop de gens s’arrêtent sur ce qu’ils appellent « réalisme » ou « crudité » des paroles sans en saisir les codes et plus largement l’imaginaire de cet art.
Et vous ?
Citoyens, artistes, militants, vous sentez-vous réellement libres, aujourd’hui ? Le commentaire ou la critique ne sont-ils pas limités ? La diffusion des œuvres, la représentation des artistes ne sont-elles pas confrontées à des obstacles ? Certains milieux culturels sont-ils davantage ciblés sur le champ de la censure ? A quel titre et sur quels critères, peut-on interdire, peut-on censurer une œuvre d’art ?
A méditer ! Et attendons le verdict du procès de l’auteur et interprète Youssoupha le 26 octobre prochain.