PARIS TONKAR, le livre

Hip Open vous propose de découvrir, ou de re-découvrir plus en détails, les débuts du Graffiti parisien à travers le livre Paris Tonkar, suite à un échange avec Tarek Ben Yakhlef, l’un des deux auteurs.

La passion de Tarek pour la photo et sa pratique du tag sont sans aucun doute liées à l’origine de l’écriture du livre Paris Tonkar. L’idée commence à germer dans son esprit en lisant les deux livres cultes Subway art et Spraycan art. Quant au réel déclic, il nous l’explique : « C’est lors d’une descente sur la ligne 10 avec les TKV, SOS, NPA et mon crew de l’époque les NSI (New Style Invasion) que je décide de faire un livre sur le graffiti à Paris. » Il s’agit du premier livre publié en France sur l’art du graffiti (1991) et le troisième dans le monde sur le sujet !

PARIS TONKAR

Comment as-tu procédé pour la réalisation de ce projet et le choix des artistes ?

Le concept du livre était novateur, par sa vision globale du mouvement graffiti qui est apparu dans plusieurs quartiers de Paris, y compris dans les quartiers chics. Le choix des images a été dicté par les circonstances : mes rencontres et la période où je prenais des photos dans le métro ainsi que les moyens à ma disposition. Nous étions à la fin des années 80, il n’y avait pas les outils de communication d’aujourd’hui et l’ère du numérique n’en était qu’à ses balbutiements. Ce sont les seules raisons qui expliquent la présence des crews et graffeurs présents dans Paris Tonkar : aucun copinage ni favoritisme ! Il ne faut pas en chercher d’autres ou encore s’imaginer que j’avais dans l’idée de promouvoir untel plus qu’untel…

Dans le feu de l’action, je n’imaginais pas l’impact qu’aurait ce livre des années plus tard.

Au début, j’ai croisé Eresy, Falone, Oeno, Drone, Torpe, Capone, Bes, Seyo et Nasty : ils m’ont aidé dans mes démarches en me présentant à d’autres writers, leurs proches forcément… J’avais 17 ans et eux le même âge, nous étions de la même génération… Pour les plus anciens comme Steph, Ash, Darco ou Mode 2, j’ai obtenu leur numéro de téléphone en questionnant tous les writers que je croisais. J’avais envie de voir le plus de monde possible pour que mon livre représente toute la scène graffiti de cette fin des années 80. J’ai rencontré des pionniers du mouvement comme Bando ou Blitz, mais ils ne peignaient déjà plus comme à leur début. Et ne souhaitaient pas forcément que je m’attarde sur cette période de leur vie.

PARIS TONKAR

 

D’autres anciens ne voulaient pas entendre parler de mon projet et certains très actifs durant cette période préféraient rester dans l’ombre pour ne pas attirer l’attention sur eux. Mes moyens financiers étaient très limités (je me suis endetté pour écrire Paris Tonkar !) et il faut se rappeler qu’il n’y avait ni portables, ni Internet et pas d’appareils photos numériques. J’étais obligé de faire avec… Mon livre est un éclairage sur le graffiti parisien avec l’envie sincère de parler du plus de monde possible… Un seul regret : j’ai laissé la banlieue de côté alors que j’y habitais et que mes références dans ce domaine étaient plutôt celles du sud de Paris. Cependant, de nombreux writers cités dans mon livre vivaient en banlieue.

PARIS TONKAR

 

Dans la nouvelle édition de Paris Tonkar, je compte bien rééquilibrer le contenu et, cette fois-ci, mon objectif est d’écrire un ouvrage plus exhaustif et moins factuel. La partie métro sera surprenante car je suis souvent allé dans des dépôts et des endroits insolites, mais pas avec ceux que l’on imagine !

Un proverbe arabe dit ceci en substance : ta langue est ton destrier, si tu la retiens, elle t’apportera du Bien et si tu la lâches, elle ne t’apportera que du Mal…

Depuis 22 ans, je suis resté muet sur cette période et je pense qu’il est temps de clarifier les choses et de réparer les « vrais oublis ». Paris Tonkar est une émanation de son époque tout comme les deux livres de Chalfant qui ont su capter des moments de l’histoire du graffiti. J’ai écrit un livre avec mon regard et la connaissance que j’avais du sujet par ma pratique et celle de Sylvain Doriath, mon co-auteur… C’est un livre empirique et certainement pas un catalogue pour de l’autopromotion ! Si certaines personnes ont su l’utiliser pour mieux vivre ou se faire connaître, tant mieux ! Pour ma part, je n’ai tiré que très peu de bénéfices de mon livre… Peut-être un seul : celui de l’avoir fait.

PARIS TONKAR

 

Concernant la partie tag, je trouve qu’elle est assez conséquente malgré tout, sachant que nous avions tous les deux une attirance plus pour les tags que les graffs. Mais au début des années 90, c’est aussi l’explosion des murs peints et des grandes fresques dans les terrains vagues et dans quelques espaces autorisés : Stalingrad n’est plus l’unique endroit où les writers se retrouvent. Je pense que nous avons réussi à parler de tout le monde dans cette partie car il ne faut pas oublier qu’au moment où nous écrivions notre livre, deux photographes travaillaient sur le même type d’ouvrage pour le compte d’un grand éditeur avec un budget de 200 000 francs.

En février 1991, lorsque j’ai croisé l’un d’eux à Quai de la Gare, il me dit avoir rencontré une dizaine de writers et que son éditeur se contentera d’une trentaine au plus… À cette époque, j’avais plus ou moins croisé entre 150 et 200 writers (old timers et moins jeunes) ; j’avais pris dix fois plus de photos qu’eux sans avoir signé de contrat avec un éditeur et avec une dette de 60 000 francs… Leur livre n’est jamais sorti !

Je peux l’affirmer maintenant : si mon livre n’était pas sorti en 1991, nous aurions eu un premier livre sur le graffiti français très consensuel qui aurait pour le coup mis à l’écart presque tout le monde ! Avec peu de tags et un ou deux métros histoire de dire…

PARIS TONKAR

 

Pour finir, j’ajouterai que quatre raisons expliquent l’absence de certains writers dans notre livre : le refus de certains d’y figurer (ils sont assez peu nombreux), ceux qui voulaient être payés pour apparaître dans le livre (plus nombreux), l’oubli tout bêtement et surtout la difficulté de retrouver certaines personnes ! C’est aussi simple que cela. Je comprends les questions que certains oubliés se sont posés tout comme leurs regrets, mais en 1991 je n’imaginais pas écrire le seul livre qui aborderait le graffiti en France d’une manière globale et analytique. D’autres livres excellents sont sortis des années plus tard… Des années plus tard !

Quand la première édition est sortie tu n’avais que 19 ans, comment ça s’est fait ? Quelles opportunités as-tu eu ?

PARIS TONKAR

 

J’ai appelé tous les éditeurs publiant des livres d’art afin d’obtenir un rendez-vous pour leur parler de mon livre sur le graffiti en état de projet mais déjà bien abouti. Presque tous m’ont reçu et presque tous ont voulu récupérer le concept (surtout les photos et les informations) sans les auteurs… Une vraie bande de chacals ! Grâce à leur comportement douteux, j’ai réalisé que j’avais un trésor entre les mains et que je devais négocier jusqu’au bout pour avoir les meilleures conditions (je n’avais pas le choix si je voulais un jour récupérer l’argent dépensé par mes soins)… Florent Massot m’a été présenté par Blitz… Florent a été le seul éditeur honnête, tout comme celui des éditions Marval qui a été de bon conseil et c’est pour cela que j’ai signé avec lui… Nous avons conçu la maquette dans un squat, rue des 5 diamants dans la butte aux cailles ! Mon livre raconte une histoire, celle du graffiti en France durant les premières années, mais c’est aussi une histoire secrète, celle d’un rêve fou qui devient réalité envers et contre tous.

>> Interview complète de Tarek à venir prochainement sur Hip Open.
En attendant, rendez-vous sur : paristonkar.com

NJ

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