A l’occasion d’une soirée « Smells Like Hip Hop » qui s’est déroulée il y a quelques mois à Bordeaux, en présence de nombreux artistes, pour ne pas dire des « légendes du Hip Hop français », nous avons eu l’occasion de rencontrer entre autres, Stéphane aka Monsieur Rocket, le réalisateur du documentaire Smells like Hip Hop.
Comment t’es venue cette passion du Hip Hop ?
Depuis tout jeune je suis dans le Hip Hop… Je suis allé à l’émission H.I.P H.O.P animée par Sidney à 9 ans. En fait, j’avais gagné un concours de Smurf à l’école et mon cousin m’avait emmené à l’émission pour me féliciter. J’ai grandi et évolué avec cette culture donc j’avais envie de raconter ma façon de voir le Hip Hop.
Quel est ton but à travers la réalisation du documentaire Smells like Hip Hop ?
A la base, cette culture était perçue comme une mode, les gens pensaient qu’elle ne durerait que 6 mois. Et 30 ans après, on est encore là ! Donc mon but est de prouver que cette culture est riche, qu’elle est présente dans toute la France. Regarde aujourd’hui, on est à Bordeaux… Il n’y a pas que Paris et Marseille. Ces deux villes sont les plus souvent citées mais je voulais aussi y inclure ce que l’on appelle « les provinces ». Et justement démontrer que 30 ans après, le Hip Hop est partout en France et dans le monde d’ailleurs… Avant tout, je voulais montrer qu’en France, cette culture est vivante.
Je ne suis pas journaliste donc j’ai préféré faire parler les gens pour qu’ils racontent eux-mêmes leur histoire. Personne ne connaît mieux l’histoire de Solo que Solo. Donc je me suis dit « va voir les gens et demande leur de raconter leur histoire ». Et quand tu prends l’histoire de chacun, ça fait l’histoire de la culture Hip Hop.
Je sais que tu as mis beaucoup de temps pour réaliser ce documentaire donc tu as dû avoir énormément d’images… Comment as-tu fait pour faire la sélection ?
En fait, on n’a pas encore fini. On a encore beaucoup d’images… Ouais, j’ai tourné pendant presque 5 ans parce que je voulais quelque chose de précis, je savais ce que je voulais…
Tu sais, je ne suis ni journaliste ni réalisateur donc j’ai appris sur le tas, j’ai appris le métier au fur et à mesure. Mais comme l’indique le titre, je voulais que ce documentaire sente le Hip Hop. Donc je me devais d’être assez large, d’où les provinces pour être vraiment représentatif de la culture Hip Hop en France. Donc cela a mis du temps mais c’est bien, je suis content. Cela m’a permis de bien maitriser le projet, de bien le mûrir.
En Province, comment as-tu choisi les artistes ? Les connaissais-tu déjà avant ?
En fait, j’ai eu la chance d’avoir des amis dans les grandes villes où je voulais aller donc ils m’ont servi de référents… La première province que j’ai faîte, c’était Lille. Quand j’y suis parti, mon pote Anouar m’a dit « mais qu’est-ce que tu fais là ? Pourquoi tu viens ? Personne vient nous voir nous »… Justement le but du documentaire est d’aller voir des gens, qu’ils soient connus ou pas, du moment qu’ils sont passionnés par cette histoire. Y’a qu’un Hip Hop mais chacun le ressent différemment. C’est comme on peut regarder un même film, avec les mêmes acteurs, la même histoire mais on n’aura pas le même ressenti et pourtant c’est le même truc. Et voilà, je pense que c’est ça le Hip Hop !
Pourquoi cette idée d’abécédaire ? Est-ce parce que c’était plus facile pour aborder certains thèmes et plus compréhensible pour le public ?
Au départ, nous voulions faire un documentaire simple d’1h30 donc classique. On a mis un teaser sur Facebook et on a eu la chance qu’il soit vu par Gilles de Canal Street, qui nous a contacté. En fait, c’est Canal Street qui nous a proposé la web série. Nous n’avions pas pensé à cela, on comptait faire un DVD normal
Sachant que j’ai beaucoup d’images, on a trouvé une forme assez ludique et attractive pour la diffusion et l’abécédaire est venu simplement. Cela développe bien le sujet. Le format est accessible (5 minutes par série). Même si j’ai eu beaucoup de remarques pour me dire que c’était assez court et que faire plus long serait mieux… Donc on va tenir compte des remarques pour la suite !
Aussi, je voulais démontrer avec l’épisode « Evolution » que l’on ne doit pas oublier de parler du Rock, de l’Electro car le Hip Hop, c’est aussi l’ouverture.
Le documentaire s’appelle Smells like Hip Hop en référence à la chanson « Smells like teen spirit » de Nirvana. Pour moi, Nirvana, c’est Hip Hop. Le Hip Hop, c’est une énergie, ce n’est pas qu’avoir une casquette à l’envers (rires). C’est bien au delà de tout ça, c’est un truc en soi… C’est un truc qui se nourrit de tout ce qui l’entoure. Et pourtant, on entend « le Hip Hop est mort »… Toi, tu es là donc il ne peut pas mourir !
Merci. Pourquoi revenir aux sources du Hip Hop comme tu l’as fait ? Etait-ce pour informer les jeunes ?
Je dis souvent « une maison ne tient que si elle a de bonnes fondations ». Donc je voulais raconter l’histoire du Hip Hop par ceux qui l’ont faîte et ceux qui la font. Il n’y a pas que des retours aux sources, il y a autant un Solo qu’un Orelsan par exemple. Tu as un mec comme Daddy Keus de Bordeaux… Je voulais ce mélange. Ce qui fait la beauté du Hip Hop c’est le mélange. Tu as même du Hip Hop / Rock !
Attention, je ne suis pas prof non plus, je ne dis pas que mon docu c’est la bible. Mais c’est mon ressenti à moi. Après si ça plaît tant mieux, apparemment ça plaît donc c’est bien, mais je n’ai pas prétention à dire « c’est ça le Hip Hop, écoutez-moi ». Il y a des jeunes qui s’intéressent au Hip Hop, donc si on ne leur dit pas qui est Dee Nasty, tu ne peux pas leur reprocher de ne pas connaître Dee Nasty. Donc j’espère que j’ai réussi à informer à ce niveau là. Le mec qui écoute du Rap aujourd’hui ou qui fait de la danse ou du Beatbox, ou du Graffiti, s’il apprend comment le Hip Hop a commencé et avec qui grâce à mon documentaire… Si j’arrive à cela, c’est déjà très bien. Sans pour autant dire « c’est ça le Hip Hop ». Cela reste ma vision à moi, mon humble vision.
Quels retours as-tu du public ?
Je suis agréablement surpris… Regarde, je fais une interview avec toi ! Qui m’aurait dit un jour que je ferais tout cela… On est à Bordeaux, on dirait une colonie de vacances. C’est que du kif ! Comme je te disais, moi j’ai appris sur le tas. J’ai appris plus tard qu’il fallait écrire avant de tourner par exemple. Et moi, j’ai tourné avant d’écrire…
J’ai des supers bons retours, je suis super content. Cela nous amène à Bordeaux, on a fait Nantes, il y a d’autres dates après… Et ça intéresse les gens, il y a un bon engouement. Franchement, je suis super content, ce n’est que du kif. Je pars de rien pour arriver à tout cela donc je n’ai vraiment pas à me plaindre. Et puis, j’ai de bons partenaires. J’ai Canal Street, j’ai une super bonne production : Silex Film, ils sont très très très bien ! On a les Inrocks en partenaire presse, on a Radio Nova aussi.
En intégrant les provinces, on touche un plus large public aussi et c’est très bien. Je voulais absolument l’avis des provinces, savoir comment ça se passe à Bordeaux, comment ça se passe à Rennes… Et quand tu mets l’histoire de tout le monde bout à bout, ça fait l’histoire de la culture Hip Hop.
Toi, qu’est-ce que tu en retires de cette première expérience « Smells like Hip Hop » ?
Moi ? Je suis comme un gosse à Euro Disney ! Comme je t’ai dit, regarde je suis avec Solo, Dee Nasty… Je les ai vu quand j’étais tout petit, aujourd’hui, je suis avec eux, on est dans un super endroit, on va faire une soirée… C’est du kif ! Les gens sont réceptifs à mon travail, ils aiment ce que je fais et grâce à cela, on se rencontre aujourd’hui… C’est énorme ! Donc ce projet ne m’apporte que du plaisir… Un gosse à Euro Disney ! (rires)
Ce projet m’a permis de rencontrer plein de gens dans toute la France, d’échanger donc c’est que du positif !
Et le documentaire, c’est aussi pour faire ressortir les valeurs de la culture Hip Hop, n’est-ce pas ? Car on ressent cela aussi…
Oui, d’ailleurs il y a un épisode « Valeurs ». En fait, c’est pour démontrer que le Hip Hop n’est pas un costume que tu mets de 9h à 17h. Comme je te disais, pour moi, Nirvana, c’est Hip Hop, c’est une énergie ! Je suis autant fan de Nirvana que du Wu Tang. Je trouve ça super puissant.
Tu voulais faire ressortir les valeurs du Hip Hop… Pourquoi ? D’après toi, ont-elle tendance à disparaître ?
Non, il y en a ! Même si ce n’est peut-être pas ce qui est mis en avant. Je dis souvent que le Hip Hop est un peu comme l’enfant caché du paysage culturel français. Quand il y a des émeutes dans les banlieues, les gens disent « c’est la faute du Rap ». Non, ce n’est pas la faute du Rap, c’est parce que les gens sont fâchés, c’est pour cela qu’ils font des émeutes. J’écoutais Public Enemy, ce n’est pas pour cela que j’avais envie de casser des trucs, non jamais. C’est la situation des gens qui font qu’ils cassent après… En général, ce ne sont pas les bonnes valeurs qui sont mises en avant. Et d’un autre côté, on encense un mec comme Oxmo ou Orelsan qui gagne des victoires de la musique.
Un événement comme on fait ce soir permet aussi aux gens de se dire que le Hip Hop n’est pas mort… Et ouais, ce n’est pas mort, regarde Solo est là ! Sidney est là ! Dee Nasty est là ! Tu vois ce que je veux dire ? Le truc ne peut pas mourir. Tu kiffes ça, elle kiffe ça, on kiffe ça donc comment veux-tu que cela meurt ? En ayant fait le tour de la France, je me rends compte que les gens aiment vraiment le Hip Hop !
Est-ce que tu as des anecdotes à nous raconter sur ce qui a pu se passer pendant le tournage ?
Hum… J’avais prévu d’interviewer un pote Willy, qui est photographe. Donc j’avais préparé mes questions… Et je lui ai posé une seule question. Sa réponse a duré trois heures. On a arrêté parce que l’on n’avait pas assez de temps, sinon on y serait encore.
Sinon, avec Dee Nasty, c’était énorme ! L’interview s’est faîte chez lui au milieu de ses disques. J’étais comme un gosse à Euro Disney, il y avait des disques partout… C’était énorme ! Il te raconte plein de choses… Enorme quoi ! En fait, des anecdotes, je pourrais t’en citer des milliards car j’ai pu rencontrer tellement de gens. L’interview de Solo est énorme aussi ! Il est dans son salon chez lui, ce n’est même pas une interview, on n’a fait que discuter.
Il y a donc une suite en préparation, n’est-ce pas ? Et en attendant, il y a des diffusions qui se font, c’est ça ?
Voilà, on fait des dates en province, on tourne un peu… Et à côté de ça, je prépare la suite.
Le mot de la fin ?
Merci beaucoup à vous !
Interview : NJ
Photos : Charlotte Prieu
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