DISIZ

Live Disiz (Bordeaux) - Photo : Charlotte Prieu
Hip Open vous fait partager une discussion avec Disiz, juste avant son concert à Bordeaux. Un show surprenant et entraînant avec une authenticité et une sincérité à saluer !

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ROCKIN’ SQUAT

Rockin’ Squat était en concert à Bordeaux  pour  « La Tournée 2012 » qui compte au total 13 dates. La spécificité de celle-ci : un show 100% live band !


Ce 13 octobre, il fallait être présent à la Rock School Barbey pour ressentir l’énergie qui s’est dégagée sur scène. Sept artistes pour une performance d’exception, sans compter Grödash qui est venu en tant qu’invité surprise. Une ambiance Hip Hop aux tonalités africaines pour accompagner un discours aussi puissant que profond qui fait plaisir à écouter. Dans ce spectacle, la musique et les textes forment une sorte d’alchimie ou du moins une harmonie consciente qui élève l’esprit… Paix, amour et appel à la connaissance sont les messages adressés à son public multi-générationnel.

Nous avons profité de son passage à Bordeaux pour lui poser quelques questions…

D’où est née l’idée d’un live band pour t’accompagner sur cette nouvelle tournée ?

Rockin’ Squat : Depuis toujours je collabore avec des musiciens sur scène. Mais depuis pas mal de temps, je voulais faire un show 100% live, sans machine ni DJ. Selon moi, pour que ce genre de spectacle fonctionne, je devais m’entourer de virtuoses pour que la cohésion du show devienne magique. Voilà pourquoi c’est avec cette équipe que j’ai décidé de partir en tournée.

Comment s’est fait le choix des musiciens ?

 Cheick Tidiane Seck est un très bon ami et a surtout un talent et une oreille hors pair. Je le connais depuis plusieurs années et nous avons déjà collaboré sur plein de projets différents. Quand je lui ai proposé de m’accompagner dans cette aventure, il n’a même pas réfléchi une seconde. Aussitôt, on était déjà en train de faire la liste des autres musiciens qui allaient nous renforcer dans notre groove. Marque Gilmore à la batterie est une bénédiction, il est monstrueux et généreux, une vraie chance de l’avoir avec nous. Tout comme les autres d’ailleurs, Ahmed Fofana, Madou Koné, Momo Hafsi, et Kaabi Kouyaté. Que des grands, c’est un honneur pour moi et une vraie marque de respect pour ma musique et mon parcours que ces grands musiciens m’accompagnent dans ma folie ! (rires)

Tu dénonces des choses qui dérangent énormément, par exemple dans la chanson Illuminazi 666… Est-ce que tu as eu des problèmes par rapport à ça ?


Le fait de dénoncer des choses qui dérangent peut déclencher des hostilités de la part des gens concernés. Mais je pense que de ne pas les dénoncer ou pire ne pas en être conscient amène des problèmes encore plus énormes dans la vie de chacun…

Il y a ce côté spirituel qui ressort beaucoup aussi. Peux-tu nous expliquer d’où ça vient ?


L’équilibre !

Vu les thèmes abordés, je suis obligé pour ma propre stabilité d’entretenir le côté du guerrier de la paix. Je pense même que des titres comme « Eternel Apprenti », « Amaru Ka », « Le temps et l’instant », « Aimer sans posséder » ou « Une façon de vivre » pour ne citer qu’eux sont encore plus importants que les thématiques qui expliquent la manipulation du monde. Cette pensée chamanique issue des cultures indigènes qui remonte à des millions d’années est une des plus belles clés pour ne pas perdre la face en ce début de 21ème siècle et la décadence du monde qu’il transporte.


Qu’est-ce que tu penses de la nouvelle génération des MC’s ?

Il y a des choses bien, mais je préfère de loin écouter les oiseaux qui viennent chanter au dessus de ma tête le matin dans mon Mato Grosso do Sul (ndlr : Etat du Brésil). Ils chantent plus juste et leurs messages sont bien plus sains. (rires)

Qu’est-ce que tu espères pour les générations futures ?

Je n’espère rien, je donne ! Vivre l’instant c’est vivre. Croire qu’on a le temps c’est vivre ivre. Prisonnier du passé, prisonnier du futur ? Non je suis Libre dans l’instant. C’est comme ça que j’apprends à vivre et à travers mon expérience d’autres peut-être s’y mettront, comme je m’y suis mis en écoutant et regardant ceux qui m’enseignent.

Terminons par quelques réactions à la sortie du concert…

« Super énergie ! Rockin’ Squat a été généreux sur scène, avec un super live band ! Des sonorités inattendues et un show excellent ! » Charlotte

« Je remarque une grande évolution dans la manière d’aborder la musique du groupe Assassin. Très grande richesse musicale, super performance des musiciens. Un concert très colorisé par le côté africain, notamment par la présence de Cheick Tidiane Seck… » Keurspi

« Une ambiance mortelle ! Beaucoup d’émotions… J’ai eu des frissons dès le premier morceau, les musiciens sont super forts et Squat, une bonne présence scénique ! » Moon

« J’ai été agréablement surpris par ce concert,  je ne m’attendais pas à ce que Rockin’ Squat soit accompagné d’un live band. Un show très musical, c’est plus que du Hip Hop… Je dirais que c’est simplement de la bonne musique ! » The K.O Kid

>> Plus d’infos sur : http://www.livinastro5000.com/artistes/rockinsquat.html

Article / Interview : NJ
Photos : Charlotte Prieu

TIZER FROM LONDON

La série d’interviews de graffeurs réalisée lors du Meeting Of Styles France 2012 s’achève par celle-ci… Un échange intéressant avec Tizer !

Présentation…

Mon nom est Tizer One, je fais partie du ID crew de Londres, et j’ai commencé le Graffiti en 1988.

Peux-tu définir ton style ?

Détraqué ! (rires)
Je fais des personnages et des lettres. J’adore faire des lettrages imposants et improviser autour. J’essaye toujours de peindre des choses différentes mais on peut toujours reconnaitre mon style.

Pourquoi le Graffiti ?

A vrai dire, ce qui nous a poussé, mon frère et moi, à nous lancer dans le Graffiti, c’était l’idée de pouvoir faire partie de la culture Hip Hop ! J’étais dyslexique donc j’ai toujours eu du mal à retenir les rimes (rires) et le beatboxing n’était pas à la mode donc je me suis tourné vers le Graffiti. C’était fait pour moi ! Et ça nous rendait cools…

La musique est un art très puissant qui peut toucher beaucoup de monde. Quant au Graffiti, comme c’est un art visuel, ses messages sont peut-être plus directs, plus forts… Le Graffiti peut aller à l’encontre du gouvernement, si par exemple quelqu’un écrit un slogan contre les institutions. Mais d’un autre côté, comme c’est visuel, ils peuvent s’en débarrasser.  Quand ils disent « on nettoie les graffitis », ça leur donne l’impression de faire quelque chose, mais quand il faut s’occuper des pauvres ou des fous c’est autre chose…

Le Graffiti est de plus en plus accepté par les institutions, qu’est-ce que tu en penses ?

Oui et non. Je pense que maintenant le public peut voir davantage de Graffitis, surtout grâce à internet et c’est une bonne chose. Mais d’un autre côté, je regrette les intérêts financiers qu’il y a derrière… Certains artistes font beaucoup d’argent avec leur art alors qu’avant personne ne s’y intéressait. Maintenant des gens sont prêts à payer pour avoir des Graffitis et comme tout le reste, le Graff devient un produit à vendre.

C’est bien que les institutions prennent les choses sérieusement mais il faut aussi rappeler que le gouvernement continue à mettre des jeunes en prison pour des « crimes » non violents, des Graffitis. C’est complètement fou !  Donc, tu vois, ça dépend… A Londres, il y a quand même des jeunes incarcérés dans des prisons de haute sécurité pour avoir fait du Graffiti !  Donc le gouvernement doit encore beaucoup évoluer à ce sujet. Mais c’est vrai que le grand public, jeunes et vieux, apprécie davantage le Graff.

Est-ce que tu vis de ton travail ?

Oui, c’est mon job. Il y a 10 ans, j’ai été viré d’un emploi. Suite à cela, j’ai décidé de ne plus faire de job pourri donc j’ai voulu être payé en tant qu’artiste Graffiti. Cela n’a pas toujours été facile. J’ai dû m’adapter aux demandes des clients, ils te demandent « tu peux peindre une jungle ? ». Toi, tu penses que tu ne peux pas mais tu dis oui ! Alors tu deviens autodidacte, tu apprends à faire des choses que tu ne pensais pas pouvoir faire, tu apprends de nouvelles techniques. C’est bien de travailler pour soi et pas pour quelqu’un d’autre. Je suis conscient que j’ai beaucoup de chances de vivre de mon travail, de faire ce que j’aime.

Qu’est-ce qui t’a amené à la culture hip hop ?

J’ai commencé à écouter des sons Hip Hop en 1984 et je me suis mis à acheter des vinyles en 86. Avant j’écoutais du Punk, du Ska et du Reggae mais à cette période, le Punk anglais a commencé à mourir. La culture Hip Hop a repris ce rôle revendicateur, un peu politique. Et j’ai vraiment accroché ! Je pense que c’est important de rester dans cette dynamique, même si parfois c’est bien de pouvoir écouter de la musique festive.

Est-ce que tu y vois d’autres liens ?

Bien sûr, les toasters dans les années 1940 faisaient des battles et se moquaient les uns des autres. La musique jamaïcaine utilisée par ces mecs est devenue du Ska, il y a des influences des Caraïbes, de partout… Et je pense qu’il y a un lien et un équilibre entre le Punk et le Rap. Puis si l’on prend le Punk ou le Ska à la fin des années 70 et le Hip Hop britannique à son origine, on peut vraiment faire le parallèle. On retrouve les mêmes influences et la même force underground.

Et qu’est-ce que la culture Hip Hop t’a apporté dans la vie ?

J’ai appris à m’amuser et à danser ! (rires)
J’ai adoré la musique parce qu’elle signifiait quelque chose pour moi. A la fin des années 80, les gens étaient « pro-black » donc j’ai appris beaucoup de choses sur l’histoire des noirs américains, sur la façon dont les gens pensent dans d’autres pays. Par le Graffiti, j’ai aussi appris l’histoire de l’art : la typographie, la perspective, le dessin de personnages, le placement des couleurs… A mon tour, j’essaie d’apprendre aux jeunes le Graffiti et l’histoire de l’art.

Quelques mots sur le Meeting Of Styles ?

Je voudrais remercier les organisateurs du MOS France, ils se sont bien occupés de moi, c’était cool… Le MOS, c’était incroyable ! Il y a une vraie qualité artistique. Même les jeunes du coin ont fait de très belles pièces. Il y a une très bonne ambiance, de la bonne musique, de très bons B-boys et B-girls et des Graffitis hallucinants. C’est génial de rencontrer des gens de tous horizons, de différents pays. La communauté des graffeurs est assez petite, même dans les grandes villes donc c’est bien de se retrouver en personnes pour partager des expériences similaires. On peut parler, se connaître et se soutenir. Surtout pour les gens qui voyagent beaucoup, on se sent plus fort.

Quels sont tes prochains projets ?

Je vais en Hongrie dans quelques semaines, pour un petit festival. Je vais peindre là bas, ça va être cool. Je dois aussi aller à Amsterdam, je n’y suis jamais allé donc j’ai hâte !

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Interview : NJ
Traduction : Charlotte Prieu
http://whatchasees.blogspot.fr
+ Romain Vivant

Rencontres mexicaines : Gerso et Ecks

A l’occasion du Meeting Of Styles France qui s’est déroulé à Perpignan en juillet dernier, Hip Open a rencontré deux graffeurs mexicains, Gerso et Ecks.

Commençons par une présentation…

G : Je suis Gerso et je graffe depuis 10 ans.

E : Je suis Ecks. Je peins depuis environ 6 ans.

Pouvez-vous me parler de votre style ?

G : Mon travail est basé sur le lettrage. Dernièrement, j’ai commencé à faire d’autres choses mais au final je reviens toujours au lettrage.  Ce que je dessine… Ce n’est pas vraiment des personnages, pas vraiment du réalisme, c’est encore autre chose…

E : En ce moment, j’essaie de créer mon propre style. Depuis que j’ai commencé, j’ai travaillé sur plusieurs choses : j’ai fait des personnages, du réalisme, des lettres, du flop. Maintenant, je mixe tout ce que j’ai appris pour commencer à développer mon propre style.

Quelle est la différence entre le Graffiti au Mexique et le Graffiti en France ?

E : Le Graffiti mexicain est assez difficile à différencier car il y a beaucoup de réseaux différents, beaucoup de writers différents. Avant, on aurait pu dire qu’il y avait une différence entre le Graffiti mexicain, américain, sud-américain, français… Mais maintenant c’est difficile à dire… Même s’il y a certains procédés que l’on reconnaît par la nationalité. Par exemple, au Mexique et au Chili, on utilise énormément de peinture au latex que l’on mélange avec du plâtre. Je pense que ce sont des techniques plutôt latino-américaines. Après je ne peux pas vraiment comparer avec celles de la France car je ne les connais pas beaucoup.

G : Aujourd’hui, nous sommes très influencés par ce que l’on voit sur internet. Et il est fort possible que les choses arrivent simultanément dans différents endroits du monde. Si par exemple, j’ai l’idée de réaliser une pièce uniquement avec des petits carrés, il est probable que quelqu’un en France ait la même idée. Donc je ne vois pas trop quelle différence il y aurait. C’est juste que dans nos travaux, parfois on se rejoint sur certaines choses puis on se sépare sur d’autres.

E : Il pourrait y avoir aussi une différence culturelle. Par exemple au Mexique, on peut peindre beaucoup de choses préhispaniques, des choses très mexicaines… Alors on pourrait dire qu’il y a une différence entre le Graffiti sud-américain et le Graffiti européen…qu’en Amérique du Sud, on peint beaucoup de choses préhispaniques…


G : … et qu’en Europe, on peint des choses européennes. Par exemple, j’ai vu ici quelqu’un peindre dans le style art déco, dans ce courant pictural, c’était vraiment très bon. C’était drôle car je n’avais jamais vu quelque chose de similaire ici, en Europe. C’est comme si cette personne essayait de sauver un peu son passé.

Quel est votre point de vue sur le Meeting Of Style en France ?

G : On en avait tellement entendu parler par Kanos et Astro qu’on pouvait déjà s’imaginer comment c’était. Mais lorsque tu le vis, tu le trouves vraiment plaisant. Tu rencontres des gens d’un peu partout. A tes côtés, il y a un graffeur espagnol, un graffeur italien… C’est le genre de choses qui n’arrivent jamais au Mexique et si ça arrive, je pense que ça ne serait pas pareil.

E : Ici, il y a une volonté d’unification. Par exemple, même si tu ne connais pas la personne à coté de toi, même si tu ne parles pas la même langue et que vous n’avez pas le même style, vous essayez néanmoins de vous associer. On nous a remis les mêmes couleurs, tu mélanges ton style avec celui du voisin pour arriver à une unification et une continuité. J’ai beaucoup apprécié, c’était vraiment agréable.

Dans quels pays, avez-vous voyagé grâce au Graffiti ?

E : Déjà, j’ai voyagé au Mexique puis en Colombie, en Equateur et maintenant en France. J’espère aller bientôt au Chili. Tu ne t’imagines pas que le Graffiti va te faire sortir du pays mais c’est bien car cela te donne un peu plus de force pour continuer à peindre.

G : Il y a quelques années, je suis allé en France. L’année dernière, je suis allé au Guatemala à un événement de Graffiti organisé par l’ONU. Que l’ONU soit à l’initiative de faire venir un étranger, à savoir un Graffeur du Mexique vers le Guatemala, c’était un grand pas, un pas de géant.

Qu’est ce que vos voyages vous ont permis de découvrir ?

 G : Me découvrir… A chaque voyage, tout le monde me secoue en me prenant dans ses bras. Mon premier voyage en Europe fut en France et j’y ai rencontré Milouz, Papy et j’ai vu le style de vie qu’ils avaient. En revenant au Mexique, je me suis rendu compte que je voulais vivre quelque chose de similaire. A un moment, je n’avais plus envie de peindre mais en venant en France, en restant quelques jours avec eux, cela m’a donné de la force et j’ai eu envie de continuer. La deuxième fois que je suis venu, j’ai connu Astro et Kanos et cela a été encore plus fort. A chacune de mes sorties du pays, c’est comme un apprentissage. Je reviens chez moi encore plus motivé et cela m’aide à me connaître et à grandir en tant que personne.

E : J’ai voyagé aussi grâce à des rencontres. Mon voyage en Colombie fut très joli. J’y suis allé grâce à un colombien que j’ai rencontré au Mexique. Il m’a invité et ça c’est très bien passé. Ici, c’est très différent qu’en Amérique du Sud car on n’a pas les mêmes points de vue, beaucoup de choses sont différentes comme les personnes, les modes de vie. Tu découvres en rentrant que tu as une autre mentalité. 

Quel est votre rapport à la culture Hip Hop ?

G : On pourrait penser que peindre t’amène à la culture Hip Hop mais pas vraiment en fait. Oui le Graffiti et le Hip Hop vont de pairs mais ce n’est pas pour autant que je me sens impliqué dans la culture Hip Hop. Mais j’en écoute et j’aime ça.

E : Quand j’ai commencé à peindre mes amis n’écoutaient pas vraiment de rap. Et depuis que j’ai voyagé de par le monde, je sais que le Graffiti et le Hip Hop sont comme frères. Mais moi quand j’ai commencé à peindre, ce n’était pas lié au rap, ni au Hip Hop. En voyageant, par exemple en Colombie, j’ai constaté que mes amis graffeurs pratiquaient deux disciplines du Hip Hop, le Graff et le Rap. C’est un style qui me plait mais pas plus que ça.

 Quels sont vos projets ?

G : J’ai envie de peindre des toiles, de voyager au Brésil, au MOS et en Argentine, le dernier est très probable. J’ai envie d’organiser un événement au Mexique appelé « El tiempo de un color » (Le temps d’une couleur) et le consolider comme étant une réunion de personnes des pays d’Amérique centrale.


E : Prochainement, aller au Chili pour un événement qu’organise une amie chilienne. Mais ce qui m’intéresse le plus là, ce sont mes résultats à un concours à l’Université pour faire des études d’arts plastiques. J’ai hâte d’avoir les résultats pour savoir si je vais pouvoir entreprendre ces études, c’est ça qui m’importe le plus avant même de voyager.
(ndlr : Aujourd’hui, nous savons que Ecks a été reçu à l’Université pour ces études d’arts plastiques.)

Avez-vous des projets ensemble ?

G : Ensemble ? Non (rires).

E : Le MOS est un projet que nous faisons ensemble. Ça fait quatre mois qu’on le projetait avec des « ah j’ai un contact là », « ah moi j’en ai un autre là »… C’est grâce à ça que nous sommes ici.

G : Ce projet va peut-être nous amener à quelque chose… Mais pas seulement entre nous deux mais peut-être aussi avec d’autres graffeurs car au Mexique, ils parlent de nous : « Ils sont au MOS !!! », c’est quelque chose d’impensable…


E : Au Mexique, les graffeurs sortent peu du pays, et ceux sont toujours les mêmes (quatre ou cinq) qui sortent. Mais quand un autre sort, ça devient déjà autre chose. Ce qui est bien c’est que d’autres bons graffeurs mexicains pourront également sortir du pays car ils le méritent aussi.

G : Moi ça ne m’importe pas spécialement pour ceux qui peignent en ce moment mais pour ceux qui commencent à peindre maintenant, parce que ce sont eux qui vont donner un réel élan au pays.

Interview : NJ
Traduction : Alexandra Miranda Larrahona
http://streetinterviews.blogspot.fr

+ Participation Pierre Almendares

 

DESY : son parcours, sa vision…

Peux-tu te présenter ?

Moi c’est Desy, je peins depuis 1988, je suis originaire de Sarcelles. Mon style de Graffiti est assez classique… Je me suis essayé un petit peu à tout, même à la 3D il y a une dizaine d’années mais je préfère le Graffiti classique.

Comment te situerais-tu dans l’histoire du Graffiti français ou même parisien ?

Dans le Graffiti parisien, je me considère dans la middle school parce que j’ai commencé dans la deuxième génération de graffeurs. Il y a les premiers qui sont arrivés au début des années 80. Puis, le mouvement a explosé et je suis arrivé à ce moment là, que l’on appelle la deuxième vague.

Comment as-tu vécu le début du Hip Hop ?

De façon très très intense… Déjà, les gens voyaient le Hip Hop comme une mode qui arrivait et qui allait passer très vite, alors que pas du tout puisque ça continue encore aujourd’hui !

J’ai vraiment kiffé le début. A Stalingrad (dans le 18ème arrondissement de Paris) il y avait le premier terrain de Graffiti, qui était le plus gros d’Europe à l’époque. Et il y avait aussi un shop avec des sapes de New York. Donc on allait au terrain, puis on passait à la boutique. Les infos Hip Hop, on les avait surtout ici.

Et aujourd’hui, ce qui anime mon esprit, c’est ce que je voyais quand j’étais ado… Les Bboys, par exemple, quand j’allais voir les BBC à Stalingrad. Je revois ça et quelque part, j’essaie de le retranscrire…

Le Hip Hop anime ma vie de tous les jours, que ce soit au niveau culturel, vestimentaire… J’écoute beaucoup de rap, qu’il soit américain ou français. Je me tiens toujours au courant, j’achète toujours des magazines de Graffiti. Même si je peins moins je suis toujours présent.

Que penses-tu de l’évolution du Hip Hop ?

Je pense que son évolution est bonne. Au début, nous n’étions pas beaucoup. Mais comme on devait tout le temps chercher l’information, c’était quand même galère ! Faut avouer que tu passais des heures à marcher pour aller voir un mur. Je ne dis pas que ce sont des mauvais souvenirs. Aujourd’hui, c’est bien de dire que j’ai marché deux heures pour aller voir un graff de Bando ou attendu trois heures pour aller voir un concert de Public Enemy. Donc ça c’était génial mais je préfère quand même l’information que l’on a en ce moment parce qu’elle est très vite diffusée. C’est un vrai changement par rapport à ce qui se passait avant…

Avant, il y avait le bouche à oreilles et quelques petits fanzines qui circulaient à droite à gauche comme The Zulu Letter ou Get Busy. The Zulu Letter était centrée sur le Graffiti et un peu sur l’ensemble du Hip Hop. Il y avait aussi Radio Nova, qui a commencé en 1987/1988 avec une émission qui s’appelait Deenastyle, qui nous donnait les infos sur ce qui se passait dans le Hip Hop, surtout niveau Rap. C’était les débuts et c’était plutôt sympa, c’est vrai.

En plus de l’information, peux-tu nous parler de l’état d’esprit qui régnait au cœur du mouvement ?

Au départ, on n’appelait pas ça le « Hip Hop »  mais « le mouvement ». On s’identifiait beaucoup à la Zulu Nation. Moi, ça ne me parlait pas plus que ça… Tout le monde en parlait donc on était dans le truc, on était dans « le mouv’ ». La Zulu Nation, c’était vraiment une organisation spécifique qui a été lancée par Afrika Bambaataa. Il était venu en Europe. A Paris, il avait désigné Candy comme représentatrice de la Zulu Nation France. Cela s’est fait en 1986, je crois… En suivant, elle a fondé le magazine The Zulu Letter. Donc ce fut quand même une étape importante dans l’histoire du Hip Hop. Mais tout le monde ne s’identifiait pas à la Zulu Nation car on ne devait pas tagger, pas boire d’alcool, etc. Il y avait une éthique très spécifique. Nous, on est vite sorti de là. Après le tag a explosé dans tous les sens et on a suivi le rythme. Puis beaucoup de taggers sont devenus rappeurs, notamment les NTM. Donc ça a donné un nouveau souffle.

Comme dans tout, au début, c’est beaucoup de passion puis les gens grandissent, ils vieillissent, ils ont besoin d’argent et ça devient un business. Moi, je n’ai jamais voulu faire de l’argent, ou très peu avec le Graffiti. J’ai toujours voulu le garder comme une passion.

Dans le Graffiti, il y a une grosse récupération aujourd’hui, mais elle n’est pas mauvaise en fait. Je viens de voir que le groupe Le Chat Noir a travaillé pour la marque Dim. C’est fort, ça me plaît beaucoup ! Parce que c’est un vrai visuel Graffiti, moi ce qui me dérange c’est la récupération en agence, par des mecs à qui on demande de faire du Graffiti alors qu’ils n’ont pas la culture. En le demandant directement à des gens concernés, ça donne quelque chose de très fort ! Tout de suite, on aime ou on n’aime pas le visuel mais il est Graffiti. C’est ce que l’on veut, que ça sente le Graffiti !

Comment différencierais-tu l’univers old school et new school du Graffiti ?

Souvent quand on parle de old school, on parle d’une certaine mentalité. J’ai commencé en 1988, donc on me met dans la catégorie old school mais je n’ai pas l’impression d’être old school en fait. Quand je suis avec tous les ODV, par exemple, qui sont beaucoup plus jeunes que moi, je me sens mieux avec eux qu’avec des mecs qui sont old school et qui vont être hyper aigris en disant que le Graffiti c’était mieux avant alors que non, pas du tout !

 

 

Avant, on peignait avec du mauvais matériel. Le matériel a évolué et il est bien meilleur aujourd’hui qu’il l’était il y a vingt ans. Tu prends aujourd’hui, une bombe qui coûte en moyenne entre 3 ou 4 euros, elle recouvre 3 fois plus qu’une bombe qui valait 20 francs à l’époque. Si tu fais le calcul, ça coûte moins cher de graffer aujourd’hui que de graffer dans les années 80.

Quel est ton regard sur le Graff d’aujourd’hui, en comparant à l’époque où tu as commencé ?

Déjà, il y a eu beaucoup d’améliorations qui ont contribué à l’expansion du Graffiti, que ce soit internet, la photo… Je trouve ça très bien !

Aujourd’hui, le Graffiti est plus officiel qu’avant. Mais je suis quand même forcé de dire que j’aime bien le vandale car pour moi le Graffiti, c’est aussi le vandale, même si c’est bien qu’il se soit démocratisé.

En fait, je suis un peu mitigé…J’aime bien ce qui se passait avant parce qu’aller chercher les infos nous apportait beaucoup de connaissances. Aujourd’hui, c’est différent, l’info est quasiment instantanée. Je ne dis pas que c’était mieux avant, ce n’est pas vrai car la facilité et la rapidité me semblent être des bonnes choses. Par contre, je pense que beaucoup de jeunes qui graffent aujourd’hui sont simplement de passage dans le Graffiti… Beaucoup d’entre eux ne se documentent pas assez sur ce qui s’est passé avant. Il y en a qui le font, il y en a qui ne le font pas… Avoir une culture Hip Hop Graffiti, je trouve ça plutôt logique, pourtant c’est ce qui manque aujourd’hui.

Maintenant, il y aussi beaucoup d’événements de Graffiti, il y a des commandes qui se font de la part des institutions, des entreprises… Est-ce que tu penses que l’on reprend le Graffiti pour s’en servir différemment ? `

On reprend le graffiti pour s’en servir différemment mais à partir du moment où tu essaies d’en vivre, il est louable que tu sois payé pour le travail que tu fais.

Je te donne un exemple… Récemment, j’ai vu mes visuels dans un jeu qui est vendu sur PlayStation. Là, ils ont utilisé mon image, ils ont pioché dans mes informations sur le web pour les incruster au jeu. Je ne comprends pas que l’on puisse récupérer des visuels comme ça, sans demander d’autorisation ! Récupérer le Graffiti de cette façon, je trouve ça vraiment dommage.

Que penses-tu du Meeting Of Styles ?

Je trouve que l’ambiance est très bonne ! C’est très propre, ça n’a rien à voir avec ce qu’il se passe sur Paris. En fait, je n’aime pas la mentalité qui règne autour de Paris. Je trouve que l’on peint mieux en province et ce qui s’y passe représente plus le Hip Hop comme je l’entends. Un MOS à Paris n’aurait pas la même saveur qu’à Perpignan ! Les gens, la mentalité, les groupes qui viennent, les rivalités… Ici, on ne parle pas de tout ça. A Perpignan, l’ambiance est très Hip Hop ! Cela me rappelle aussi ce que j’ai vécu en Allemagne, lors d’une Jam.

Pour moi, le MOS ça permet aussi de faire davantage de connections avec des graffeurs venus de tout l’Europe et même du monde entier.

Avant de terminer, je suis sûre que tu as des anecdotes assez incroyables sur ton vécu dans le Hip Hop… Tu peux nous en raconter une ?  

Rires
Des anecdotes, il y en a tellement…
J’avais entendu parler d’un lieu où l’on pouvait aller voler des bombes pas très loin de chez moi, dans une usine qui en fabriquait… Comme on était un peu jeune, on ne calculait pas et on y allait pratiquement toujours au même moment, les mêmes jours, les mêmes heures… Donc on s’est fait pister par la police et un jour on s’est fait courser ! Je me rappelle avoir un sac rempli de sprays, on courrait sur la voie ferrée, les flics nous courraient après. Des bombes de peinture sont tombées et il y en a une qui a explosé… Je me suis retourné et l’image que j’ai eu, c’était la bombe qui tournait dans tous les sens et le flic qui court dedans et se prend le jet de chrome dans la tronche ! On a eu peur mais qu’est ce qu’on a rit ! On n’a pas arrêté de courir. C’était pas mal, on a bien rigolé. Et on a eu bien peur aussi. Voilà pour la petite anecdote.

Bonus, réalisé par DESY :

>> Plus d’infos sur : http://m.flickr.com/#/photos/desi1988/

Missy

Parce que les filles se font assez rares dans le milieu du Graffiti, nous avons profité de la présence de Missy au Meeting Of Styles pour la rencontrer et lui poser quelques questions…

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Lisa, je viens de Strasbourg. Je peins sous le nom de Missy. C’est Rensone qui m’a initié au Graffiti, ça fait maintenant 3 / 4 ans que je peins à la bombe.

Quel a été ton parcours avant de te mettre au Graff ?

J’ai suivi un cursus comme beaucoup d’autres, je pense. J’ai fait des études d’arts appliqués et de graphisme. J’ai toujours dessiné donc c’est par là que j’ai commencé. Et je continue à faire de l’illustration, des toiles…

Comment définirais-tu ton style ?

Mon style est très proche de l’illustration, j’ai commencé par ça et c’est quelque chose que j’ai envie de garder et d’approfondir. Je suis moins dans le Graffiti traditionnel, c’est-à-dire le lettrage que je ne pratique pas du tout.

Je fais pas mal d’animaux et souvent des oiseaux… Des cigognes qui représentent ma ville strasbourgeoise, en Alsace. J’essaies aussi d’apporter de l’humour dans ce que je fais, un côté décalé. En illustration, par exemple, je dessine des insultes. Je m’éclate à faire ça, c’est vraiment un délire dans lequel je me suis lancée. Donc mon travail est un mélange d’oiseaux, d’insultes et d’autres éléments que j’y ajoute.

Quelle est ton implication dans la culture Hip Hop ?

J’ai toujours aimé ce qui est en lien avec le Hip Hop. Ce qui me plait vraiment c’est la mentalité, le fait de rassembler plusieurs disciplines, plusieurs styles… Cette mentalité à échanger, à partager, je trouve ça génial !

Quelles sont tes impressions sur le MOS de cette année à Perpignan ?

Justement, par rapport à ce que je viens de dire, ça reflète l’esprit du Hip Hop. Ces rencontres avec des gens qui viennent d’autres pays, d’autres régions… Ils ont des styles complétement différents mais au final on a tous réussi à faire quelque chose de cohérent. C’est un bon rassemblement où l’on a pu échanger nos styles. C’était une très bonne opportunité !

Comment perçois-tu la tournée mondiale du MOS ?

Eh bien, ce festival porte bien son nom… Le Meeting Of Styles, c’est la rencontre, l’échange des styles. Dans le Graffiti, il y a différents styles en France, il y a plein de styles en Europe, en Amérique… Et c’est l’opportunité de pouvoir justement échanger, rassembler, réunir tous ces styles dans un même lieu, sur un même mur… C’est une richesse pour le Graffiti que le festival puisse tourner dans plusieurs pays !

Le Graffiti s’est de plus en plus institutionnalisé, quel est ton regard là dessus ?

Je ne peux pas vraiment avoir un regard critique, dire “c’est nul maintenant le Graffiti, on le retrouve dans les galeries, les musées, etc.” C’est vrai, ça devient commercial faut le dire, le Graffiti se démocratise à fond. Avant c’était beaucoup plus underground, même si ça le reste car c’est quand même la base de cette discipline…

Moi malheureusement je n’ai jamais fait de lettres, je n’ai pas du tout connu cette époque de vandalisme, je n’ai pas fait tout ça. Mais je trouve que ça a en effet tendance à perdre de son authenticité car maintenant on retrouve du Graffiti partout, notamment avec l’apparition en masse des médias, notamment avec internet, ça devient tellement facile de se créer un style, de peindre du jour au lendemain, de faire des pièces sans avoir galéré, sans chercher ses propres lettres…

Pour le MOS, tu as peins avec Rensone et on vous voit souvent travailler ensemble… Est ce que tu peins toujours avec lui ?

 

Oui, pour les festivals, je peins quasiment toujours avec Rensone. Je trouve que l’on arrive plutôt bien à mêler nos styles et je n’ai jamais eu l’opportunté de peindre toute seule, à part dans des friches. Cela permet aussi d’avoir un rendu plus abouti que si je peignais seule. Je pense que je dois encore évoluer de mon côté pour atteindre le niveau des gens que j’ai pu rencontrer ici.

Peux-tu nous parler de ta place en tant que femme dans le Graffiti ?

Franchement, moi je n’ai jamais eu de soucis, ni de réflexions par rapport au fait que je sois une nana. J’ai tout de suite commencé à peindre avec Rensone… Je n’ai pas mis les pieds toute seule dans une friche donc forcément pour moi ça a été plus facile. Puis Rensone peint déjà depuis plusieurs années donc il m’a fait connaître ses potes. Alors c’est vrai que je n’ai pas eu trop de mal à m’infiltrer dans ce milieu.

D’après toi, les filles qui arrivent seules dans le Graffiti, ont-elles plus de difficultés à se faire accepter ou alors vu qu’il y en a peu, elles sont davantage mises en avant ?

Il faut l’admettre, c’est assez chaud pour une nana de débarquer toute seule dans ce milieu… C’est clair qu’il ne faut pas avoir peur de salir sa manucure toute fraîche (rires) ! Mais que l’on soit une nana ou un mec, il faut faire ses preuves, montrer ce que l’on a dans le ventre…Au final, je ne vois donc aucune différence dans tout ça. Je prends l’exemple de MADC qui est une très bonne graffeuse, son style est vraiment très technique et je pense que si c’était un mec, sa notoriété serait exactement la même. Par contre il est vrai que lorsqu’une fille peint, on a tendance a être plus intrigué justement parce qu’on en voit si peu…

Quels sont tes projets à venir ?

On va faire une exposition bientôt avec Rensone, donc pas de murs, uniquement des toiles, des illustrations… Après ça va être un peu plus calme car là on a été souvent pris avec les festivals de cet été. Donc après cette expo, on va se faire plaisir et retourner dans nos petites friches pour peindre. Donc juste pour kiffer !


>> Plus d’infos sur : http://lisa-discala.fr

DOPE D.O.D

Avec plusieurs dates programmées en France, le groupe Dope D.O.D est passé par Bordeaux, à l’occasion de la soirée SPANK THE BASS, organisée par Cubik Prod et Banzai Lab. Un événement alliant Hip Hop et Dubstep qui a réuni Keurspi, Al’Tarba, Son of Kick, Niveau Zero. Ce qui a été l’occasion pour nous de rencontrer les membres de ce fameux groupe de Hip Hop Hardcore Hollandais avant leur show… Un concert de folie, débordant d’énergie, dans une salle remplie !

C’est votre première tournée en France ?

Pas vraiment… Mais on peut considérer celle-ci comme notre grande tournée française.

En écoutant vos morceaux, on se demande quelles sont vos influences musicales ?


Principalement le rap américain des années 90. Mais on n’écoute pas que du Hip Hop américain non plus. On aime n’importe quel bon son Hip Hop à vrai dire, aussi bien du rap hollandais, anglais, allemand que français. Cependant, comme on a grandi dans une culture anglophone, on a baigné dans le rap américain depuis tout petit, en écoutant Onyx, Redman, Wu Tang…

Des rappeurs français… Qui par exemple ?

Saïan Supa Crew, 1995…

Quels autres styles de musique vous écoutez ?

Dopey Rotten : Personnellement j’écoute aussi bien du Reggae que de la musique classique, que du Hard Rock. Peu importe le style tant que la musique me plaît !

Skits Vicious : Quand je n’écoute pas du rap, j’aime écouter de la musique qui repose, quelque chose de relaxant. J’aime aussi des trucs un peu new age avec de la batterie. Cela dit, ça ne vaut pas les bons vieux morceaux que j’écoute depuis que je suis gosse… A part mes classiques je n’écoute pas grand chose. En tout cas, je ne suis pas partisan du « je n’écoute rien d’autre que du rap pour ne pas être influencé » mais j’ai remarqué que ça te permet de rester à ta place et de te concentrer sur l’essentiel, ton rythme.

Jay Reaper : Franchement j’écoute rien d’autre, à part du Old School, comme Jimmy Hendrix, John Lennon… Et parfois je tombe sur MTV, mais ça ne m’influence pas vraiment ou plutôt si, mais dans le bon sens. Je me dis « qu’est-ce que c’est que cette merde » et j’ai envie d’écrire un truc pour le démolir !

Comment décririez-vous votre univers artistique ?


Skits Vicious : Notre univers est comme un roman graphique où l’on mélange une partie de nos propres vies et la merde qui nous entoure. C’est un monde sans fin de sang, de gore et de fantasmes. On peut nous comparer à des personnages de films ou de bandes dessinées, comme  Sin City. Les rappeurs ont une double identité, comme les super héros. Nous, on est probablement les méchants de ces films…On ne porte pas le costume là maintenant, mais dès qu’on a le micro dans les mains, ça explose ! Et d’un coup on devient le méchant et les gens découvrent nos super pouvoirs.

Comment est venue cette volonté de faire du rap ?

Jay Reaper : C’est ce qu’on sait faire. On ne s’est pas forcé. Quand j’étais jeune, vers 14 ans je ne me suis pas dit « je veux faire du rap, je veux être rappeur ». Ça ne s’est pas passé comme ça. J’écoutais du rap lourd à la Wu Tang, du rock lourd à la Jimmy Hendrix et je me suis dit que je voulais faire ça. Et le rap, c’est la première chose qui m’est venue naturellement.

Skits Vicious : Je suis d’accord. Le rap ça ne se choisit pas, ça s’impose à toi. Cela dit il y en a beaucoup qui décident de faire du rap pour des mauvaises raisons, ce qui explique pourquoi il y a autant de mauvais rap. Tout le monde peut rapper. Tout le monde peut dire « here is the floor, that’s a door, I am poor, somebody’s a whore and I am hard for. » Tout le monde peut faire des rimes mais ça ne fait pas d’eux des rappeurs. Le rap, c’est plus profond que ça. Il faut avoir l’âme, le flow et la personnalité qui vont avec. Il faut que ça vienne de l’intérieur. S’il y a autant de Rap de mauvaise qualité, c’est parce qu’ils n’en font pas pour les bonnes raisons : ils veulent être cools, ils veulent gagner de l’argent. Bien sûr c’est sympa mais il faut agir d’abord pour la musique !

Dopey Rotten : La musique d’abord !

Vous avez fait de nombreux concerts à l’étranger n’est-ce pas ?

Oui, on est allé aux États-Unis, au Canada, en Allemagne, en France, en Islande, en Russie, en Ukraine, en Espagne, en Pologne, en Lituanie, au Royaume Uni…

Quelle est votre vision du Hip Hop actuel ?

Dopey Rotten : Aujourd’hui, le Hip Hop dans l’ensemble c’est de la merde. Ça craint. Ça tire trop sur la pop, c’est trop commercial. C’est toujours la même chose, tu as toujours une pétasse attardée qui pousse la chansonnette. Ce n’est pas mon truc.

Mais ce n’est pas le cas de tous les rappeurs non plus…

Evidemment, il reste du bon Hip Hop mais je ne m’intéresse plus trop à ce qui sort en ce moment.

Et vous dans tout ça ?

Dopey Rotten : On est des rebelles de la scène musicale en fait. On fait ce qu’on aime faire et on continuera jusqu’à la fin. C’est à prendre ou à laisser !

Skits Vicious : C’est à la portée de tous de changer la donne. Et c’est là qu’on intervient. Le vrai Hip Hop n’est pas mort. Il ne faut pas croire ce qu’on nous dit à la radio ou à la télé. Ce sont des conneries. Le pire c’est que ce n’est même pas la faute des gens. Ce sont ceux qui sont au-dessus du peuple qui décident. Ils n’ont qu’un mot à dire et ton disque ne passe nulle part. L’industrie impose ses normes mais heureusement qu’il y a le rap underground. Nous, on vient de là. On fait partie de ceux qui s’en foutent, qui croient en ce qu’ils font et qui n’arrêteront jamais quoi qu’il arrive.

Quels messages souhaitez-vous transmettre à votre public ?

Skits Vicious : Pour moi, le rap sert à échapper à son quotidien. Comme toute musique qui permet de s’évader, le rap raconte une histoire. Notre message c’est notre histoire. Notre public s’identifie à nos chansons ou les apprécie tout simplement.

Quels sont vos projets après la tournée ?

Actuellement, nous travaillons sur un nouvel album. Il sortira début 2013. Ce sera notre sixième album. Soyez prêts ! 

>> Plus d’infos sur : http://dopedod.com/

Interview : Assma & Angélique
Traduction : Romain Vivant

Ron Brice, du flow et des textes

Vous connaissiez déjà Hassan le Fronçais et sa clique de Perpizoo. Hip Open vous avait aussi présenté Fleyo et Keurspi, actifs dans le rap bordelais. Mais on ne vous avait pas encore parlé de Ron Brice, ce parisien venu compléter l’affiche du Hip Open Event #1, jeudi 5 avril. Une belle occasion de rencontrer ce MC atypique, accompagné de Stresh, son deejay. 17h30, les balances s’achèvent… Micro à peine posé, platines encore chaudes, le duo file au débat du Hip Open Event #1 sur le rap et les médias, puis revient vers nous pour une interview décontractée, à l’écart d’une salle commençant à s’animer.


Pour commencer Ron, revenons sur ton parcours et ta rencontre avec DJ Stresh… Comment ça s’est passé ?

Ron Brice : On a débuté chacun de notre côté, il y a une quinzaine d’années. J’ai commencé le rap en 1996, avec mes grands frères. J’ai tourné dans des collectifs et fais pas mal de concerts. Ensuite, j’ai côtoyé Poison qui était proche de Ménage à 3, à qui était affilié Youssoupha. On fréquentait les mêmes studios et Stresh bossait aussi avec Youssoupha sur ses tournées. On a fait quelques dates ensemble. Et nous avions les mêmes influences, d’où la naissance de notre collaboration en 2006. A l’époque, Stresh bossait dans un magasin de vinyles sur Paris, et moi je vendais des disques dans la rue. Il me faisait écouter ses prods, et j’ai alors enregistré quelques trucs avec lui. Et dès 2007, on s’est mis à travailler sur l’album Reality Rap. Il a produit le morceau Bête noire et d’autres titres sur la mixtape Reality Tape. C’est mon associé sur la tournée et au sein de 16 Barz !



16 Barz
, c’est une asso ou un label ?

Ron Brice : C’est un label sous forme d’association. Nous sommes deux pour le moment. Je rappe et Stresh est deejay, producteur, backeur…(rires) Enfin il a plusieurs casquettes. On souhaite aussi travailler avec d’autres personnes de notre entourage, pour agrandir la famille et être plus vif sur le circuit. Pour le moment, on se concentre sur la sortie de l’album qui devrait arriver fin mai, début juin. Les morceaux sont faits mais on a encore deux clips à balancer avant. En attendant, la Reality Tape, mixtape de mes morceaux de 2005 à 2010 vient de sortir.

D’où l’abondance de titres sur cette tape ?

Ron Brice : En fait en 2005, je bossais plus avec les Soul Children, qui travaillaient aussi avec Flynt, Youssoupha, qu’avec Stresh. On avait fait un album qui n’est jamais sorti. Donc dans cette mixtape, mixée par Stresh, j’ai récupéré certains morceaux réalisés avec eux qui n’étaient pas connus… Parce que concrètement je me suis fait connaître en diffusant quelques morceaux sur le net. Nous, nous sommes de la génération où l’on rappait bien avant Internet, Myspace ou Facebook… Mais on s’est fait connaître par des clips qui ont tourné sur le web.

Tes clips justement, sont tous réalisés par Tcho/Antidote. Peux-tu nous parler de cette collaboration ?

Ron Brice : C’est une longue histoire faîte de connaissances en commun liées au graffiti, à la photographie, à la réalisation de clips… Stresh bossait avec Géraldo, qui lui, côtoyait Tcho et aidait un de mes potes à vendre des disques dans la rue. On se connaissait tous. Et un jour un mec a fait écouter un de mes sons à Tcho…

DJ Stresh : Au niveau du positionnement musical, cela correspond hyper bien à ce qu’il met en image. Sa vision de la musique s’adapte bien. Ce n’est pas calculé, leurs univers respectifs collent tellement bien que lorsque l’on ressert l’étau, c’est ce qu’il y a de plus cohérent.

Ron Brice : Après on clippe davantage parce qu’on a plus de visibilité. Avant, où pouvait-on les mettre nos clips ? Maintenant, la confrontation au public est directe et la rotation se fait d’elle-même, il n’est plus nécessaire de passer à la télé. Mais on mise plus sur la musique qu’on diffuse. On se dit qu’on a une particularité dans notre façon de faire, nos instrus, nos références… Des références très New Yorkaises, très outre atlantique dans la manière de faire la musique, d’utiliser les samples, dans les placements, ma manière de rapper…  Après cela ne fait pas tout, il faut aussi amener l’image qui va avec. Mais ça fait plaisir de voir que beaucoup s’identifient encore à ça, et accrochent toujours à ce style de musique.


Pourquoi ces influences New Yorkaises justement ?

Ron Brice : J’ai toujours écouté du rap français et du rap américain. Mais étant jeune, tu comprends plus le rap français. Le rap américain, c’est ce qui te fait bouger mais tu ne comprends pas vraiment les paroles, ni là où ils veulent en venir. Et quand à l’époque sur Paris il y a eu les 12’inch Allstar, des genres de concours, moi j’étais très poussé dans l’écriture, mais au niveau de la forme ce n’était pas ça. Là, j’ai réalisé que d’autres comme Wayman avaient déjà assimilé de faire du rap américain en français, avec des flows qui ont de la musicalité… En France, on était et on est toujours aujourd’hui centré sur les paroles. On donne plus d’importance au texte, à la bonne écriture, qu’à la musique en elle-même et à la manière de rapper. Moi j’ai vraiment pris mes influences sur l’école New Yorkaise donc j’ai trouvé important de réunir les deux, le fond et la forme.

Tu parles donc d’un manque français au niveau du flow ? 

Ron Brice : Les gens de l’ancienne école ont vraiment assimilé ce côté écriture mais délaissé le flow. La nouvelle vague elle, a percuté et est dans le truc spectaculaire, en donnant beaucoup d’importance au flow. Mais au niveau du charisme, du contenu, il y a un manque. Il faut avoir vraiment vu les deux pour donner de la consistance au truc. C’est de la culture après, une école. J’ai kické des trucs très différents, de Big L à Oxmo. Au niveau des paroles, je sais donc être profond. Mais je sais aussi être davantage sur le flow, parlant de choses plus légères et plus marrantes. Il faut vraiment allier les deux. J’essaye de bosser pour réunir cette culture française du texte, être touchant, et le dynamisme du flow.

DJ Stresh : C’est propre à notre génération. On fait parti de ceux qui ont grandi avec le rap américain. Et le rap français commençait vraiment à avoir ses têtes et ses acteurs principaux qui ont marqué leurs époques. Nous on écoutait Time Bomb, La Cliqua, qui eux à l’époque étaient déjà inspirés des flows américains, et qui poussaient l’écriture dans un autre sens en faisant l’alliage des deux. Comme on a grandit avec ça, ça nous a forgé notre intérêt. C’est ce qui fait que des mecs comme Hassan, Ron Brice ou Nemir et plein de MC’s de cette génération ont pris cette direction là. Pas seulement des textes, mais une jolie musique à écouter. Parce que si tu veux du texte pour du texte, tu lis un livre, t’écoutes pas un disque !

Ron Brice : Sachant que les sujets du rap maintenant sont connus. Tout est fait. Alors si rien n’est amené au niveau de la forme et donc du flow, de la manière d’amener le texte, cela ne sert à rien.

Votre collaboration semble couler de source au final ?

Ron Brice : On écoute tellement la même chose, les mêmes styles de sons… La plupart du temps, il m’envoie une prod et c’est la bonne. Alors que certains beatmakers m’en envoient 7 ou 8. Avec lui c’est souvent direct, on est bien en phase.

DJ Stresh : J’ai travaillé avec Youssoupha, avec Ali, mais c’est vraiment le MC avec lequel j’ai le plus de facilités. Je sais ce qu’il va faire. Je n’ai même pas besoin d’être là quand il va enregistrer, je sais ce qu’il va faire. Cela ne se passe pas toujours comme ça. Il y a des gens avec qui on a besoin de savoir dans quel univers ils évoluent, ce qu’ils aiment vraiment, il y a plus d’allers retours. Là ça s’enchaîne facilement, je lui passe les sons au fur et à mesure et ça se monte doucement.


Un duo de choc pour une performance détonante. Ron Brice, c’est du flow et des textes remarquables et une touche singulière à laquelle on adhère ! Et si le Hip Open Event #1 nous a régalé, c’est aussi parce que ces deux là ont assuré !


>> Pour plus d’infos, retrouvez Ron Brice et DJ Stresh sur Youtube, Facebook et Twitter.

>> Pour télécharger la Reality Tape, cliquez ici.

Ludovic Lacroix